Avec Le Journal d’une machine, Suzuki Matsuo a fait la démonstration de son talent. Il présente sa pièce du 25 au 27 avril.
J’ai voulu décrire une bataille nommée Amour. Un combat qui ne repose pas simplement sur la violence, mais où les personnages luttent physiquement et psychologiquement. Cette bataille qui se déroule dans une petite fabrique, s’intensifie sans que le monde extérieur le sache. Mais les étincelles de cette bataille finiront par se propager dans tout le quartier. Comme si du gaz qui se serait lentement accumulé dans une maison avait soudain explosé, créant non pas un big bang mais un nouvel univers miniature.” C’est en ces termes que Suzuki Matsuo évoque Le Journal d’une machine, sa pièce de théâtre qu’il a créée en 1996 et qui, près de vingt ans plus tard, continue de connaître un franc succès dans l’archipel. On ne peut donc que se féliciter de sa présentation en France grâce aux efforts de la Maison de la culture du Japon à Paris. Satirique, souvent grotesque, Le Journal d’une machine dépeint la complexité des liens d’amour et de haine qui unissent quatre personnages : un directeur d’usine castré, sa femme qu’il bat régulièrement, son frère enchaîné pour un viol, une fétichiste des machines. C’est un microcosme familial au bord du chaos que nous montre l’auteur et le metteur en scène, tournant en dérision la violence et les discriminations propres à la société japonaise.
Considéré comme l’un des meilleurs dramaturges du moment, Suzuki Matsuo est un touche-à-tout qui sait transformer ses propres expériences en des œuvres fortes en émotion. Le Journal d’une machine en est une illustration. Récemment il rappelait que la pièce est née un été alors qu’il s’était isolé dans le quartier de Sasazuka, à Tôkyô, pour écrire un scénario à la demande du directeur de la compagnie. Installé dans un petit appartement en quête d’une inspiration qui ne venait pas, il a fini par sortir au milieu de la nuit pour se procurer des cigarettes. Alors qu’il s’approchait d’un distributeur de tabac, il a aperçu au loin la silhouette d’un homme agité qui a commencé par lui faire des signes. La présence de cet inconnu à cette heure tardive de la nuit a suscité en lui une peur panique et l’a décidé à se rendre auprès d’un autre appareil dans le quartier afin de ne pas avoir à croiser ce personnage inquiétant. Mais l’homme s’est mis à le poursuivre, en riant. Il a fini par le semer au prix d’une course à perdre haleine. C’est cette peur absurde qu’il a donc voulu exprimer dans cette pièce écrite en une semaine après cet épisode. Il a voulu créer les conditions dans lesquelles des individus confrontés à la peur peuvent se conduire de façon illogique au point de se mettre en danger. C’est l’arrivée d’une personne extérieure (comme cet homme à Sasazuka) qui fait tout basculer. Le Journal d’une machine se déroule principalement dans un préfabriqué, non loin d’une usine dirigée par Akitoshi. C’est dans cette bicoque à la saleté répugnante que vit emprisonné son
jeune frère, Michio. Ce préfabriqué où règne une chaleur étouffante est le cadre d’un huis-clos à l’ambiance électrique. Suzuki Matsuo y ajoute une pointe d’humour qui lui permet de faire passer quelques messages bien sentis. Un rendez-vous à ne pas manquer. Aussi pensez à réserver vos places dès maintenant.
Odaira Namihei
Pratique :
Le journal d’une machine, Texte et mise en scène de Suzuki Matsuo. Jeudi 25 et vendredi 26 avril à 20h, samedi 27 avril à 17h. Tarif : 20€ (réduit 16€). Pièce en japonais surtitrée en français.
Maison de la culture du Japon à Paris -101 bis, quai Branly 75015 Paris – Réservation : 01 44 37 95 95