La deuxième édition de la Setouchi Triennale a lieu cette année. Douze îles et deux ports sont concernés.
Observer un paysage japonais, c’est souvent penser à l’art. Aussi lorsque je regarde la Mer intérieure, je ne peux m’empêcher de penser au jardin de pierre du temple Ryôan-ji à Kyôto – un rectangle de sable blanc sur lequel apparaissent plusieurs gros rochers - ce qui en dit long sur ce que représente ce paysage étonnant”. Donald Richie (voir p. 19), qui nous a quittés, il y a quelques semaines, a trouvé les mots justes pour décrire cette partie du Japon dans son livre The Inland Sea [La Mer intérieure, éd. Stone Bridge Press] paru en 1971. Si à ses yeux, ce paysage paisible et la multitude de petites îles qui le composent étaient de nature à évoquer l’art, il semble avoir été entendu puisque certains de ces endroits se sont aujourd’hui littéralement transformés en œuvres d’art. Le plus célèbre est l’île de Naoshima. D’une superficie de 8 km2, elle est sortie de l’anonymat lorsque le groupe Benesse, spécialisé dans l’éducation, a décidé de lui redonner vie en y implantant un musée. Depuis 1989, Naoshima est devenue une île concept où l’on trouve le Musée Lee Ufan, le Musée Chichû dessiné par Andô Tadao ou encore Benesse House, un musée-hôtel, lui aussi créé par Andô dans lequel on trouve des œuvres de grands artistes contemporains. Mais Naoshima ne se résume pas à quelques musées même si leur concentration sur une petite superficie est déjà incroyable en soi. On y trouve bien d’autres curiosités comme ces maisons qui accueillent des installations permanentes d’artistes ou le sanctuaire shinoïste revisité par Sugimoto Hiroshi. On peut visiter tous ces endroits à pied à partir du terminal du ferry de Miyaura dont l’architecture a été confiée au cabinet d’architectes SANAA, louer une bicyclette ou bien emprunter la navette qui fait le tour de l’île. Dès son arrivée au port de Miyaura, le visiteur est accueilli par une citrouille géante rouge dont les points noirs caractéristiques rappellent qu’elle a été signée par Kusama Yayoi. L’artiste en a “posé” une autre à proximité de la Benesse House à l’extrémité d’un ponton, incitant ainsi le visiteur à prolonger son regard vers le large. Ce qui est particulièrement notable sur Naoshima, c’est la volonté d’inscrire les œuvres, mais aussi les bâtiments dans le paysage, de façon à ne faire plus qu’un. Le musée Chichû conçu par Andô Tadao en est une belle illustration. Ce “musée au cœur de la terre” est une belle trouvaille où les œuvres exposées bénéficient d’une mise en valeur extraordinaire. Toutes ces réalisations distinguent Naoshima des autres îles et lui permettent de concentrer l’attention des touristes. Mais il ne faudrait pas pour autant oublier les autres îles qui ne manquent pas non plus d’intérêt artistique. C’est d’autant plus vrai que 2013 marque l’organisation de la seconde Setouchi Triennale ou Festival international d’art de la Mer intérieure. Le succès phénoménal de la première édition au cours de laquelle plus de 940 000 personnes avaient participé a donc incité les organisateurs à renouveler l’expérience. Douze îles (sur les 727 que compte la Mer intérieure) et deux ports (Uno et Takamatsu) sont concernés. Evidemment Naoshima est au cœur de l’événement, mais il y a aussi Inujima, Teshima, Megijima, Ogijima, Shôdoshima, Ôshima, Shamijima, Ibukijima, Honjima, Takamijima et Awashima. Chacune d’entre elles propose des animations, des expositions permanentes ou temporaires pendant la durée de la Triennale qui s’achèvera le 4 novembre prochain. Les organisateurs ont d’ailleurs décidé de la diviser en trois saisons au cours desquelles des événements spécifiques seront organisés. La première s’est achevée le 21 avril, la deuxième aura lieu du 20 juillet au 1er septembre et la dernière du 5 octobre au 4 novembre. L’idée ne consiste pas seulement à utiliser ces îles comme de simples espaces d’exposition, mais aussi de les mettre en valeur selon leur histoire. C’est bien là une des richesses de cette ambitieuse démarche. A Shôdoshima, par exemple, ce sont les fêtes traditionnelles qui servent de fil rouge et la plupart des projets se déroulent au sein des communautés rurales. Ôshima s’intéresse à l’avenir tandis que Inujima, ancien centre de production de cuivre, entend mettre l’accent sur le développement durable au travers des œuvres montrées pendant la durée de la Triennale. A l’exception de Shamijima qui est reliée à l’île de Shikoku par un pont, toutes les autres îles participant au Festival 2013 ne sont accessibles que par bateau, soit au départ de l’île de Honshû, soit de Shikoku. En d’autres termes, il faut s’organiser pour ne pas se retrouver en difficultés. Il n’est pas compliqué de se rendre à Naoshima puisqu’il n’y a pas moins de 15 services de ferry entre l’île et le port d’Uno et 5 traversées au départ de Takamatsu. En revanche, on n’en compte que trois entre Ôshima et Takamatsu.
Côté hébergement, Naoshima est aussi bien lotie. On y trouve toutes sortes de solutions, la plus onéreuse, mais aussi la plus originale est la Benesse House. A partir de 35 000 yens la chambre, vous logez dans une aile du musée, lequel est accessible le soir aux hôtes. Bénéficiant pour nombre d’entre elles d’une vue sur la mer, les chambres sont très confortables. Elles permettent de se reposer dans un cadre unique et préparer la suite des visites sur l’île. Compte tenu du prix élevé de ses prestations, la Benesse House reste pour beaucoup un rêve inaccessible. On trouve néanmoins sur Naoshima et la plupart des autres îles des chambres d’hôtes (minshuku) très abordables qui ont aussi l’avantage de mettre le visiteur dans l’ambiance du lieu. Mais le plus raisonnable et le plus pratique est de s’installer à Takamatsu ou Uno, les deux ports inclus dans le Festival 2013, et d’organiser son séjour à partir de là. Sachant que l’on peut visiter deux îles par jour, sauf Naoshima et Shôdoshima qui méritent chacune de prendre au moins une journée pour les parcourir, on peut imaginer de passer une petite semaine dans cette partie du Japon avant de poursuivre son exploration de l’archipel. Takamatsu sur l’île de Shikoku vaut, en dehors de la Setouchi Triennale 2013, qu’on y passe un peu de temps. Son parc Ritsurin, créé en 1625 par le seigneur Ikoma Takatoshi, est magnifique. On y trouve notamment le Kikugetsu-tei (Pavillon de la lune) construit en 1640. Durant le Festival 2013, le port accueille de très nombreux projets autour d’artistes comme le photographe Araki Nobuyoshi. Un hommage à l’architecte Tange Kenzô est aussi organisé, rappelant ainsi que l’une des caractéristiques de la région est de mêler art et architecture. Le port d’Uno, situé sur Honshû et terminus de la ligne de train qui le relie à Okayama, n’est pas en reste. Outre un train décoré par Araki Nobuyoshi qui circule plusieurs fois par jour sur la ligne, la cité portuaire accueille aussi le travail du génial David Sylvian. Le musicien britannique, qui s’avère également un excellent photographe, propose une exposition intitulée Abandon/Hope dont l’idée est de mettre en avant l’importance de l’espoir dans nos existences. “Vivre sans espoir, c’est vivre dans le présent”, explique-t-il. A Uno, on trouve également Chinu, une monumentale sculpture d’un brème de mer réalisée par Yodogawa – Technique, un duo d’artistes japonais, qui s’est spécialisé dans le recyclage artistique de déchets. En installant leur réalisation avec la Mer intérieure en toile de fond, les promoteurs ont repris à leur compte les paroles de Donald Richie qui voyait dans la Mer intérieure une immense œuvre d’art. Un spectacle à ne pas manquer.
Odaira Namihei
Infos Pratiques :
Takamatsu – Au départ de Tôkyô, le plus simple est de prendre l’avion. Douze vols par jour (1h20) depuis l’aéroport de Haneda. En train, il faut emprunter le shinkansen (3h40 au départ de Tôkyô, 1h50 au départ de Nagoya, 1h au départ de Shin Ôsaka) jusqu’à Okayama, puis emprunter le Kaisoku Marine Liner (un train toutes les 30 mn) jusqu’à Takamatsu (1h).
Takamatsu dessert la plupart des îles participant à la Setouchi Triennale 2013.
Uno – Le train est la meilleure option. Il faut aussi changer à Okayama et emprunter la ligne Uno (30 mn) jusqu’à son terminus.
Pour en savoir plus : http://setouchi-artfest.jp/en