À Ishinomaki, dans la région sinistrée par le tsunami de mars 2011, les mascottes sont sources de réconfort.
A la mode ces derniers temps, on assiste, au Japon, à la naissance d’une grande variété de mascottes. Il y a non seulement celles des préfectures, mais aussi celles de villes et de villages ou encore celles de boutiques et de quartiers. Elles sont bien évidemment kawaii (mignonnes), mais elles possèdent chacune une démarche originale et une façon unique de s’exprimer voire parfois un physique, à première vue, peu attirant. Tous les jours, ces mascottes apportent le sourire au Japon.
Dans la région d’Ishinomaki, on trouve des mascottes aussi mignonnes que bien d’autres plus connues à l’échelle nationale. Les Ishipyons sont les représentantes de la ville d’Ishinomaki. Il s’agit du couple formé par Ishipyon et son amie Ishipî. Très demandés lors d’événements de quartier, ils sont toujours entourés par une ribambelle d’enfants radieux.
Ishipyon est né, en 2008, à l’occasion du troisième anniversaire de l’extension de la ville d’Ishinomaki. Parmi 429 projets lancés lors d’un concours public, cette mascotte a été sélectionnée avec une tête représentant une pierre (ishi), et un poisson à la main symbolisant le slogan de la ville “Diversité culinaire, émotion, Ishinomaki”. C’est l’année suivante qu’est née son amie Ishipî, pour former le couple bleu et rose, qui a tout de suite séduit le cœur des habitants.
Ishipyon est irrésistible lorsqu’il applaudit et encourage les uns et les autres. Avec ses bras, petits et courts, bien tendus, il est vraiment craquant. Quant à Ishipî, elle raffole des nouilles sautées, la spécialité locale d’Ishinomaki et elle se vante d’applaudir bien mieux que son ami. Tous les deux adorent les enfants et rêvent de partir à l’étranger et de faire de leur ville une ville touristique. On leur a également créé deux chansons — Ishinomaki guruguru jankenpon [Pierre-ciseaux-feuille, tourbillons de Ishinomaki] et Makisen Oritara [En descendant du train d’Ishinomaki] — sur lesquelles ils dansent joyeusement avec les enfants en feignant de tomber, ce qui entraîne l’hilarité générale. À l’image de leur nom, les Ishipyons marchent en sautant à petit pas. En les rencontrant dans la rue, vous ne pourrez pas vous empêcher de vous esclaffer. [pyon est une onomatopée désignant un sautillement].
Il y a aussi Îto et Îna, le gourmand et la timide avec leurs grands yeux. Ce sont les mascottes de la ville de Higashi-Matsushima. Îto avec sa petite sœur Îna sont si populaires qu’ils apparaissent dans certains spots télé. C’est un an après l’extension de la ville de Higashi-Matsushima, en 2005, qu’est apparu Îto, dont le nom est composé d’east (higashi en japonais) et heart (prononcé hâto en japonais). Leurs oreilles ressemblent à un pétale de cerisier, arbre symbole de la ville et leurs couleurs bleues et vertes représentent la mer et la nature. Leurs poils rétractiles sur la tête servent à repérer toutes les bonnes choses à manger et les événements amusants. Leurs visages ont la forme du hiragana ひ (hi), première syllable du nom de la ville, symbolisant littéralement le visage de la cité. En 2010, à l’issue d’une “enquête” menée par la mairie a permis de découvrir l’existence de sa petite sœur Îna.
D’après les recherches effectuées, Îto est un petit lutin de 5 ans, très gourmand. Il apprécie notamment les fruits de mer et les produits agricoles locaux. Il ne manque pas de se montrer au moment des fêtes de quartiers. Il a aussi le talent de comprendre le dialecte de Higashi-Matsushima. Il s’est plaint que l’on confonde sa ville avec une autre Higashi-Matsuyama, située, elle, dans la préfecture de Saitama ; mais il s’est réjoui lorsque cette pseudo-homophonie a permis d’établir, lors du séisme du 11 mars 2011, des accords d’aide mutuelle entre les deux villes. Sa petite sœur Îna est une fille très timide. En écoutant son frère parler des histoires de la ville, elle s’est décidée de s’y rendre. C’est alors que les habitants l’ont découverte. C’est une fan des Blue Impulse, l’équivalent de la Patrouille de France qui est rattachée à la base aérienne de Higashi-Matsushima. Mais il ne faut pas divulguer cette information ! De nombreux mystères entourent encore leur existence et les habitants continuent leur recherche pour mieux les connaître.
Évoquons maintenant la star d’Onagawa. Avec ses plumes blanches et transparentes, son chapeau de marin, et son bec jaune, Shîparu-chan, 23 ans est la mascotte de ce quartier. Si l’on avait perdu sa trace depuis le séisme, c’est qu’il était parti dans les îles du sud et s’était efforcé de devenir plus mignon avant de revenir en fanfare. Sa transformation a été surprenante car il a trouvé la parole pour devenir la mascotte officielle du quartier. Gros bavard, on lui demande souvent de “fermer son bec !”.
Né sur l’île de Ashijima, connu comme réserve des goélands à queue noire, son nom est formé de shî (prononciation japonaise du terme anglais sea qui signifie “mer”) et de paru (prononciation japonaise du mot anglais pal qui veut dire “ami”). On dit que c’est un garçon, mais, d’un coup de magie, il peut se transformer en personnage féminin. Contrairement aux autres goélands, réputés pour défendre leur territoire, c’est un tendre qui n’aime pas les conflits au point de, souvent, laisser filer sa proie. Il a un tic, celui d’ajouter paru à la fin de chaque mot, comme ganparu au lieu de gambaru (“faire de son mieux”). Sur Twitter, il n’oublie pas de nous tenir au courant de toutes les informations touristiques du quartier. Il s’exprime sans ambages, ce qui explique son succès. Lorsqu’on l’a interrogé sur l’avenir d’Onagawa, il a répondu de sa belle voix : “Que la ville soit remplie de sourire, paru !”
En effectuant ce reportage, j’ai été vraiment très surpris par la grande variété de mascottes présentes dans la région d’Ishinomaki. J’ai découvert Shigehiro-kun qui tire son origine du bœuf de la préfecture de Miyagi et du canton de Momou de la ville d’Ishinomaki ou encore Chachamaru, qui doit son nom à un fameux marchand ambulant de nouilles sautées d’Ishinomaki. On trouve également Ôno-kun, ce singe qui est intervenu pour aider les personnes réfugiées du quartier de la gare d’Ono à Higashi-Matsushima dont l’album photos publié lui a permis de gagner maintenant une notoriété nationale. Onna no ko spy no Ishinomaki [L’espionne d’Ishinomaki], héroïne conçue par les enfants journalistes du quotidien Ishinomaki Hibi Shimbun est devenue un personnage récurrent qui ne cesse d’être présent dans les émissions de radio, de télé et au théâtre.
Il n’est pas exagéré de dire que toute la région d’Ishinomaki possède un trésor de mascottes. Elles sont nées dans des circonstances très variées. Les histoires que l’on raconte autour de leur naissance sont souvent farfelues. Mais elles ont toutes comme point commun d’apporter la chaleur des gens qui ont participé à leur création et de manifester la volonté de partager cette affection. C’est la raison pour laquelle la présence des mascottes apporte le sourire et les rires. Ce reportage a été réalisé avec l’aide de la gare JR d’Ishinomaki. Cela a permis de rassembler les trois mascottes des communes de la région d’Ishinomaki. Elles possèdent cette bonne humeur communicative qui permet à chacun de trouver la joie.
Ohmi Shun
Comme nous vous l’avions annoncé dans notre numéro de mars, nous avons entamé la publication d’une série d’articles rédigés par l’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le but d’informer les lecteurs sur la situation dans l’une des villes les plus sinistrées. Malgré ses difficultés, ce quotidien local continue à enquêter et à apporter chaque jour son lot de nouvelles. Si vous voulez le soutenir dans sa tâche, vous pouvez vous abonner à sa version électronique pour 1000 yens (moins de 7 euros) par mois : https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?command=enter&mediaId=2301