Real, distribué au printemps dernier, sort en DVD et Blu-Ray. L’occasion de (re)découvrir ce chef-d’œuvre.
Après la série télévisée Shokuzai (devenue à l’exportation un diptyque au cinéma) qui a permis au réalisateur de Kairo de retrouver grâce auprès des producteurs, Real est sorti sur les écrans français au printemps dernier. Avec pour thématique la frontière entre le réel et l’irréel, ce film a donné à Kurosawa Kiyoshi la possibilité d’explorer d’autres horizons comme le rêve, la création et l’inconscient. Le succès de Shokuzai, adaptation d’un roman de Minato Kanae, lui a ouvert de nouvelles perspectives. Lui, qui s’était jusque-là cantonné à tourner ses propres histoires, a trouvé un intérêt particulier pour ce nouveau projet adapté d’un livre signé Inui Rokurô. A ses yeux, le plus intéressant était de pouvoir sortir de la ville, de Tôkyô en particulier où il a beaucoup tourné dans le passé. “Il se trouve que pour Real, dans le roman original, il y avait toute cette partie qui se déroule sur une île du Pacifique. J’avais déjà parcouru ce genre d’endroits en tant que visiteur, mais je n’en avais jamais filmé. Je ne savais pas du tout comment aborder la chose. Quelle mise en scène fallait-il adopter ? Je n’ai pas encore trouvé la formule. Je ne suis pas persuadé d’avoir bien réussi à le faire, mais c’est un nouveau champ d’exploration pour moi”, nous expliquait le réalisateur en avril dernier. En revisionnant le film, désormais disponible en DVD et Blu-Ray, on se rend compte à quel point justement Kurosawa Kiyoshi a réussi son approche de ce nouveau territoire cinématographique qui s’offrait à lui. Dans ses réalisations passées comme Tokyo Sonata, voire les premières minutes de Real notamment dans l’appartement du couple, il était arrivé à une maîtrise parfaite du cadre grâce à la présence de ces lignes omniprésentes dans l’univers urbain au Japon. “Il existe beaucoup de choses qui ressemblent à des cadres qui sont délimités par une verticalité et une horizontalité. Ce n’est pas forcément très agréable à vivre, mais c’est très cinématographique”, confirmait-il. Avec cette nouvelle ouverture et le recours au format VistaVision, Kurosawa Kiyoshi a ainsi pu nous entraîner dans un univers qui se trouve hors-champ et en adéquation avec le propos du film. L’intérêt de posséder le DVD ou le Blu-Ray de ce film est de pouvoir mieux saisir, en le visionnant plusieurs fois, le travail accompli par ce metteur en scène de génie dont le niveau égale celui de son illustre homonyme.
Ensuite, on peut apprécier l’intelligence avec laquelle le cinéaste a adapté ce roman qu’il jugeait au départ un peu confus. Avec la technologie “contact”, technologie qui permet de pénétrer dans le subconscient d’une personne comateuse, Kurosawa ouvre un espace assez large pour nous raconter les méandres de l’âme humaine. Non seulement on entre en contact avec Atsumi (Ayase Haruka) plongée dans le coma, mais surtout on s’immerge dans son inconscient, ses rêves, ses souvenirs et ses peurs. Tout au long du film, le cinéaste nous fait passer cette frontière entre le réel et l’irréel, créant un flou artistique auquel on finit par prendre goût. Et quand la dernière scène s’achève, on se demande si nous ne nous sommes pas nous-mêmes encore perdus au milieu de cet espace étonnant. Une pépite à conserver chez soi.
Gabriel Bernard
Références :
Real (Riaru : Kanzen naru kubinagaryû no hi), de Kurosawa Kiyoshi est disponible en DVD et Blu-Ray chez Condor Entertainment. 20 € (DVD) et 25 € (Blu-Ray).