Présenté au Festival de Cannes, Still the Water permet à la cinéaste de nous rassurer sur son très grand talent.
Venue à Cannes avec la ferme intention ou la solide conviction d’obtenir la récompense suprême du plus grand festival de cinéma du monde, Kawase Naomi en est repartie les mains vides. Pourtant Still the Water (Futatsume no mado) est sans doute l’une de ses grandes réussites depuis longtemps. Habituée à être invitée aux grands-messes cinématographiques, la réalisatrice avait fini par se contenter de faire films irréprochables sur le plan technique, mais qui ne portaient plus la force de Suzaku (Moe no suzaku) qui lui avait valu de recevoir la Caméra d’or en 1997 ou de La Forêt de Mogari (Mogari no mori), Grand prix du jury en 2007. En l’entendant affirmer que son nouveau film Still the Water méritait la Palme d’or et rien d’autre, beaucoup avaient souri devant ce manque de modestie. Comment une réalisatrice, de surcroît japonaise, pouvait avoir un tel aplomb ? se disait-on avec un petit sourire en coin avant même d’avoir vu le film. Pour être tout à fait honnête, même votre serviteur (sans doute déçu par les précédentes prestations de Kawase) figurait parmi ceux qui la trouvaient un peu présomptueuse.
Force est de reconnaître que nous avons eu tort de penser que la cinéaste avait pris la grosse tête. Still the Water est un remarquable film qui recèle une force insoupçonnée. Les premiers plans montrent des vagues, ce qui peut en effet faire croire que la suite sera une succession de belles images sans profondeur. Eh bien, non. Kawase Naomi a construit un récit qui n’en manque pas de profondeur (sans mauvais jeu de mots). Tourné dans les paysages magnifiques de l’île d’Amami, au sud de l’archipel, Still the Water raconte une quête d’identité dans un paradis terrestre où se joue une lutte acharnée entre la vie et la mort. La vie, c’est cette histoire d’amour entre deux adolescents Kaito et Kyôko. La mort, c’est ce cadavre découvert sur une plage par le jeune garçon et le décès annoncé de la mère de Kyôko atteinte d’une maladie incurable. Tandis que Kaito veut en savoir plus sur cet homme découvert sans vie et renouer avec son père parti s’installer à Tôkyô après le divorce d’avec sa mère, la jeune fille tente de l’aider et va apprendre à gérer le funeste destin qui attend sa mère. Des thèmes forts que la cinéaste aborde avec une grande sensibilité, en s’appuyant sur la nature omniprésente. C’est un peu comme si elle avait cherché à envelopper son propos avec la grâce de cette nature luxuriante dans cette partie du Japon.
Still the Water est un film vivant qui nous rappelle que nos existences sont soumises à des cycles et qu’il vaut mieux s’y faire. La rencontre de Kaito avec son père à Tôkyô est de ce point de vue intéressante. Ce dernier lui apprend comment vivre en dépit des doutes et des difficultés. Et puis, la lente agonie d’Isa, chamane et mère de Kyôko, est présentée non comme une fin, mais bien comme une sorte de nouveau départ. Kawase Naomi parvient à nous emporter dans cette histoire pleine de force vitale. Le seul bémol porte sur la fin du film qui traîne un peu. Peut-être emportée par son élan, elle se montre un peu trop démonstrative. Son film aurait mérité mieux. C’est peut-être ce final un tantinet bavard qui a coûté la Palme d’or à Still the Water. En tout cas, on souhaite qu’en dépit de la déception d’être repartie bredouille la réalisatrice reviendra à Cannes avec une œuvre de cet acabit. Si vous ne l’avez pas vu, précipitez-vous sur le DVD.
Gabriel Bernard
Références :
Still the Water (Futatsume no mado), de Kawase Naomi est disponible en DVD et Blu-Ray chez Blaq out. 20 € (DVD) et 23 € (Blu-Ray).