Toute comme l’histoire qu’il rapporte, Je reviendrai vous voir offre une belle leçon de vie. Assurément le manga du mois.
On ne le dira sans doute jamais assez, mais les événements tragiques qui ont endeuillé le Japon le 11 mars 2011 constituent un tournant dans l’histoire du pays, mais aussi et surtout dans la vie de centaines de milliers de personnes. Il y a bien sûr les milliers de victimes et leurs familles à jamais marquées par le terrible séisme. C’est sans compter tous ceux qui ont été touchés au plus profond de leur âme par cette vague destructrice et meurtrière qui a tout emporté sur son passage en ce début d’après-midi de mars 2011. Je reviendrai vous voir (Ai ni ikuyo) s’intéresse justement à ceux-là par le biais de l’histoire vraie de Nobumi, auteur à succès de livres pour la jeunesse. Comme beaucoup de Japonais, les images de destruction l’ont beaucoup touché et conduit à se mobiliser pour apporter un peu de réconfort aux survivants. Mais son initiative consistant à offrir des livres s’est rapidement heurtée à un mur d’incompréhension.
Face à cette réaction inattendue, le jeune auteur décide de se rendre sur place pour prendre la mesure du désastre. “Je veux regarder ces enfants dans les yeux ! Je veux voir ce qu’il se passe par moi-même !”, annonce-t-il à son épouse. Et ce qu’il va découvrir dépasse l’entendement. En s’emparant de ce récit, Morikawa George et les nombreux autres mangaka, qui ont participé à la création de cette œuvre unique, ont réussi à transcrire par le dessin l’émotion, mais aussi ce spectacle de désolation que le héros voit apparaître lorsqu’il se précipite vers la zone de destruction. Au départ, c’est presque un jeu pour lui. Il court comme un enfant curieux. Ce qu’il découvre est tout simplement inimaginable. Cette scène décrite sur une double page est parfaitement rendue. Seul, face à cet enchevêtrement de maisons broyées, de véhicules compressés ou de bateaux arrachés à la mer, il prend conscience de l’étendue du drame. Même si on ne voit pas son visage, on devine son émotion.
L’histoire bascule. On comprend alors pour les Japonais ce n’est pas tant les destructions matérielles qui les frappent que l’altération du paysage. “Moi aussi, c’est la première fois que je vois ce paysage de mes propres yeux. Je ne trouve aucun mot”, dit son compagnon de voyage tandis que Nobumi pris dans ses pensées se répète : “J’imaginais, j’essayais d’imaginer… Et pourtant… ”. En ce sens, Je reviendrai vous voir parvient parfaitement à mettre le lecteur dans la peau de ce Tokyoïte un peu naïf et plein de bons sentiments. Le manga l’amène aussi à devenir acteur de cette aventure à la fois terrible, mais aussi terriblement touchante. Nobumi découvre l’humanité. Il comprend que de simples gestes valent bien plus qu’un envoi bien attentionné de livres. On pleure avec lui quand ces vieillards ou ce pêcheur expriment leur gratitude pour avoir reçu un repas chaud. On s’émeut de l’histoire de ces enfants qui ont pu échapper à la mort et on sourit de voir l’auteur pouvoir enfin lire des livres. Une belle leçon de vie et d’espoir dont on ne peut que recommander vivement la lecture.
Odaira Namihei