La cité portuaire durement frappée par le séisme de mars 2011 compte beaucoup sur son musée du manga.
Si l’on connaît le nom de la ville d’Ishinomaki, c’est qu’il est souvent lié au séisme du printemps 2011. En mars dernier, le prince William s’y est rendu en visite officielle. Ce voyage a apporté de la joie et du courage aux habitants, car la ville est aujourd’hui en pleine reconstruction et ses citoyens essayent de reprendre une vie “normale” (voir Zoom Japon N°48). Pour cela, le “courage” est sans prix. Les récents plans de développement de la cité portuaire ont été centrés autour du thème du manga et on peut s’en rendre compte à chaque coin de rue. Si le besoin de courage et d’espoir a été de donner vie aux premiers héros de manga après la Seconde Guerre mondiale dans tout l’archipel, on retrouve ce même élan aujourd’hui dans la ville d’Ishinomaki.
Leur origine remonte à 1995. La municipalité avait fait appel à Ishinomori Shôtarô qui faisait sa carrière de grand mangaka à Tôkyô et qui avait passé son enfance et son adolescence dans une ville voisine d’Ishinomaki. La municipalité se souciait du dépeuplement lié à l’apparition de grandes surfaces en banlieue, à tel point que l’on désignait le centre-ville comme “le quartier des volets fermés”. Le grand dessinateur s’est associé à la ville pour réclamer le projet de transformer l’allaise du fleuve Kyû-Kitakami en une “île du manga” dans le but de créer un futur musée qui deviendrait le cœur de la ville entière. Ce fut le premier projet de renaissance d’une ville grâce au manga dans l’archipel.
Mais le projet a rencontré des obstacles. Considéré à l’époque comme un produit abêtissant pour les enfants, le manga n’avait pas encore de rôle important dans la société. Sans le soutien de la population qui méprisait le manga, la municipalité n’a pas pu débloquer le budget nécessaire. La mort du mangaka en 1998 n’a pas favorisé la situation.
Pourtant, un millier de citoyens n’ont pas baissé les bras. Ils se sont réunis et se sont mobilisés pour défendre le projet. En 3 ans, ce groupe a reçu le soutien de 2 500 personnes à travers tout le pays, y compris de célèbres mangaka comme Satonaka Machiko, Monky Punch, Yaguchi Takao ou encore Chiba Tetsuya. En outre, le graphiste Hara Takao, personne la plus proche d’Ishinomori, s’est investi en jouant son rôle de coordinateur entre la société Ishimori production qui représentait les intérêts du mangaka et le futur musée. Il a même fini par s’installer à Ishinomaki afin de réaliser le souhait du mangaka.
Grâce à cette mobilisation, le musée a vu le jour en 2001 avec un financement municipal à hauteur de 50 %. La mairie a confié la gestion du musée aux représentants des citoyens qui s’étaient mobilisés. Ils ont monté une société baptisée Machizukuri manbo dont le nom signifie littéralement “le poisson-lune créateur de ville”. “On appelle ça une entreprise, mais ses membres sont des commerçants du coin et des bénévoles. Mais je trouve que ça fonctionne mieux que si nous étions gérés par un organisme semi-public. Nous en faisons l’expérience chaque jour”, explique Kimura Hitoshi, le directeur général du musée.
Bâti au cœur de la ville d’Ishinomaki et dessiné par Ishinomori Shôtarô lui-même, le musée Mangattan en est aujourd’hui un des symboles. Sa forme architecturale étonnante qui rappelle une soucoupe volante autant que son rôle fédérateur illustre parfaitement son importance. Son nom a été inspiré par l’île de Manhattan dont la forme ressemblante à l’allaise sur laquelle l’établissement a été construit. Ce musée de deux étages donne vie aux œuvres du dessinateur au travers de multiples dispositifs. Cela commence avant même que vous soyez arrivé à Ishinomaki. Dès la gare de Sendai où la plupart d’entre vous arriverez de Tôkyô en shinkansen, des trains Mangattan liner couverts par des héros imaginés par Ishinomori vous attendront. A la gare d’Ishinomaki, vous serez accueilli par des statues de Cyborg 009. La ville regorge de personnages issus de l’imagination du grand maître, et vous en trouverez un peu partout en vous promenant ! En arrivant au musée, vous rencontrerez Robocon et Professeur Gantsu sur la pelouse avant de découvrir la statue de Sea Jetter Kaito, le nouveau héros d’Ishinomaki né dans la tête du mangaka et créé par son successeur Hayase Masato.
Par la suite, sur le mur vous emmenant vers l’entrée, une cinquantaine d’empreintes de célèbres créateurs de manga en relief vous donneront envie de les toucher. A la fin, vous pourrez serrer la main d’Ishinomori. En entrant dans le musée, vous serez chaleureusement accueilli par l’équipe habillée comme Cyborg 009. Avant d’aller voir la boutique Itteki bokuju dont le nom s’inspire du titre du manga que le dessinateur a réalisé avec ses copains à l’époque où il était collégien, vous suivrez le couloir montant pour découvrir l’histoire du roi du manga. Plus loin, une salle de projection dissimulée propose des courts-métrages de Ryûjin-numa ou des créations originales du Mangattan tel que Sea Jetter Kaito.
Pour atteindre le 1er étage, vous avez le choix. Pour admirer les dessins originaux du mangaka, continuez le couloir le long des fenêtres de la soucoupe. Si vous prenez l’ascenseur, une surprise vous attendra. A découvrir sur place ! Le 1er étage est très attractif. Une partie est réservée aux expositions temporaires qui changent 4 fois par an. A chaque saison, l’équipe du musée propose un projet original et unique, en faisant intervenir différents mangakas de renom. Les thèmes sont très variés. On peut très bien évoquer les spécialités culinaires régionales comme la collaboration entre Kamen Rider et Ultraman, ou encore le travail d’une dessinatrice américaine ayant travaillé pour les studios Disney.
Une autre partie est consacrée à l’univers des personnages imaginés par Ishinomori. Cela commence avec Cyborg 009, un monde universel qui rend nostalgique les adultes et fait rêver les enfants. Plus loin, on trouve un espace unique où l’on a rassemblé toutes les générations de Kamen Rider. Puis c’est au tour des univers de jidai-geki, de Kikaider, de Sarutobi Etchan et de Hotel d’être présentés de différentes manières. Il est conseillé de prévoir suffisamment de temps pour profiter de tous les détails. Le second étage est composé d’une librairie-studio multimédia, d’une salle de formation et d’une cafétéria. Vous pouvez librement lire ou regarder les mangas et les animés disponibles sur place. Mais ce n’est pas tout, vous pourrez également vous amuser à plusieurs, ou donner vie à vos dessins avec l’atelier Anime ni Shiyô ! (Créons notre dessin animé). A la librairie, ne loupez pas une étonnante collection de dédicaces envoyées par un nombre impressionnant de mangaka. Il s’agit des shikishi (papier cartonné souvent en forme de carré servant à écrire des messages souvenirs) que le Mangattan a reçus lors de son ouverture en 2001 et de sa réouverture en 2012 après le séisme du 11 mars 2011.
Pour terminer votre visite, pourquoi pas acheter quelques souvenirs à la boutique située au rez-de-chaussée. Vos achats aideront le Mangattan à pérenniser son existence et à redonner le sourire aux habitants d’une ville qui en a bien besoin.
Koga Ritsuko
Pour s’y rendre :
A partir de Tôkyô, empruntez le shinkansen au départ de la gare de Tôkyô ou celle d’Ueno jusqu’à Sendai. Environ 1h30. Changez pour la ligne Senseki ou la ligne Senseki-Tohoku qui vous emmènera jusqu’à Ishinomaki en 1h.
Le Mangattan est à 20 mn de la gare. Il est ouvert de 9h à 18h. 800 yens.
Fermeture le 3e mardi (de mars à novembre) et tous les mardis de décembre à février.
Profil :
Ishinomori Shôtarô est un des mangaka les plus célèbres du Japon. Formé par Tezuka Osamu, il a créé de nombreux personnages tout au long des années 1960 et 1970. Cyborg 009 en est l’un des meilleurs exemples. Ses aventures sont publiées en France chez Glénat. Il est aussi à l’origine de Kamen Rider dont les aventures télévisées continuent encore de captiver les jeunes Japonais.