C’est à la pointe Est de Shikoku, dans la préfecture de Tokushima que le Japon serait né. En effet, un mythe shintoiste rapporte que l’ile d’Awaji, créée par les dieux Izanami et Izanagi, serait la première des 6852 îles japonaises. On comprend alors pourquoi ici, la nature s’exprime avec tant d’emphase.
Forêts, montagnes, rivière, courants. Celui qui n’a jamais mis le pied à Shikoku se sent soudain tout petit devant la luxuriance de cette vie sauvage. Awaji donne définitivement le ton des paysages naturels qu’offre Tokushima. Située entre Honshu et Shikoku, Awajishima permet une liaison entre les deux îles par la route grâce à ses ponts, Akashi-Kaikyo et Onaruto. Cette petite île de 592km2 est réputée pour son bœuf et ses oignons d’excellente qualité : c’est une sorte d’oasis sauvage, baignée par la mer Intérieure.
Toujours à l’entrée de la préfecture de Tokushima, les énergiques courants contraires de la mer intérieure de Seto forment soudain les impressionnants tourbillons de Naruto qu’il est possible d’observer depuis le pont routier ou d’un bateau. Une expérience unique et très impressionnante.
La ville de Tokushima est accessible en deux heures de bus depuis Osaka. Capitale de la préfecture, 260 000 habitants y résident. Au Japon, la ville est connue pour être le point de départ du célèbre chemin de pèlerinage « Shikoku Ohenro ».
Tokushima, est la ville où a étudié le Prix Nobel Shuji Nakamura, créateur des LED bleues. Dans l’assiette, c’est une variété de poissons et de légumes aux saveurs exquises, sans oublier ses nouilles de blé (râmen) ou de sarrasin (soba), ni ses algues wakame. Une discipline artistique définit également la région : l’Awa-odori. On dit que tous les habitants de cette préfecture aiment danser, battant le vent avec les bras et avançant à petits pas, sur deux temps.
A Tokushima, la nature est sauvage et apaisante à la fois. Propice à la détente, la rivière Yoshino s’écoule doucement dans la vallée d’Iya, au rythme des saisons. Croisières en bateaux et rafting sont au programme dans une eau pure et translucide. Le soir venu, les onsens (sources thermales) des gorges d’Oboke-Iya sont délicieux. Les sources chaudes des lieux sont connues pour leurs vertus médicales depuis la venue de l’Empereur Antoku. L’hôtel Iya-Onsen possède d’ailleurs son propre train à crémaillère qui permet d’accéder à un bain extérieur lové dans le lit de la rivière. Ici, confortablement prélassé dans l’eau chaude, la nature s’offre à la vue et reprend ses droits : il n’est pas rare de voir passer au loin un sanglier, une biche ou un blaireau, surtout aux premières heures du matin.
Encaissé dans la montagne, à la jonction des rivières Iya et Ochiai, le temps semble figé aux périodes Nara et Kamakura. Les habitants du village partagent volontiers leurs habitudes avec les visiteurs de passage notamment un repas familial qui consiste à faire griller du poisson, tofu et autres légumes sur une pierre sous laquelle est confectionnée un feu. Posés à même la roche, arrosés de bouillon, bordés de pâte miso et mijotés pendant des heures, ce plat rustique est un délice. Les habitants proposent également des hébergements en maisons traditionnelles en toit de chaume, avec vue sur la montagne, à couper le souffle.
Enfin, Tokushima valorise les arts folkloriques traditionnels à l’instar du théâtre de marionnettes “ningyô-jôruri” (Awa Jurobe Yashiki) ainsi que de nombreux savoir-faire locaux : qu’il s’agisse de la fabrication de papier artisanal japonais (washi), de teintures indigos extraites de la fleur « ai », mais aussi de saké (nihon-shu). Bienvenue à Tokushima.
Le berceau de l’Awa-odori
La danse d’Awa (Awa-odori) est pratiquée dans toute la préfecture depuis plus de 400 ans. Plusieurs théories existent concernant l’origine de la danse : la première serait qu’elle est née lors des célébrations d’inauguration du château de Tokushima en 1587, alors qu’Hachisuka Iemasa avait offert abondance de saké à la foule qui s’est alors mise à danser.
Extrêmement populaire au Japon, la version locale du Bon-odori festival attire plus d’1 million de participants à la mi-août. La danse se pratique sur plusieurs scènes mais aussi un peu partout dans les rues et dans d’autres villes environnantes de la préfecture (Awaji, Miyoshi, Naruto).
Pour permettre à ses habitants de danser toute l’année, la ville de Tokushima est également équipée de son propre théâtre où il est possible d’assister à des spectacles tout les jours et même de s’initier à cette danse traditionnelle dans une ambiance survoltée.
Pratique
L’Awa Odori Kaikan propose des représentations chaque jour, excepté le second mercredi de chaque mois et au Nouvel an.
Plus d’informations : www.awaodori-kaikan.jp
Le festival d’été a toujours lieu du 12 au 15 août.
Cuisine entre mer et montagne
Jouissant de produits du terroir mais également des richesses de la mer, Tokushima possède une très grande variété de mets, plus excellents les uns que les autres. Les sushis et sashimis de sawara sont délicieux, tout comme le bœuf ou le poulet d’Awa. La pureté de l’eau de la rivière offre une qualité de riz optimale et par conséquent, un saké des plus délicats. Pour les gourmands, un détour à l’Italian Gelat Dolce de Tokushima est inévitable : les parfums des crèmes glacées, confectionnées le matin même, changent chaque jour et sont tous divins. A l’instar du matcha, de la fraise ou du satsumaimo (patate douce).
Ohenro
Tokushima marque le point de départ de “Shikoku Ohenro” avec le temple Ryozen-ji. C’est ici que les pèlerins (ohenrosan) s’équipent de la tenue traditionnelle avant de se lancer sur les 1300 kilomètres qui les attendent. Le chemin défile au rythme de 88 temples sacrés édifiés, tantôt dans une falaise, tantôt dans une montagne, dans les quatre préfectures de Shikoku. Avec ses 23 temples, Tokushima symbolise l’Eveil de l’esprit du Bouddha. Vivifié par les eaux purifiantes de la préfecture, le pèlerin peut partir serein. Quittant petit à petit un environnement urbain pour le parc forestier de Kamiyama avant de regagner la mer et son littoral au temple n°18.
Artisanat et culture populaire
A Shikoku, la population est fière de son artisanat local. Des techniques de savoir-faire traditionnel japonais sont perpétuées afin de ne pas tomber dans l’oubli. Dans la ville d’Aizumi, Mr Abe travaille l’indigo comme cela se pratique depuis 2000 ans. Dans le musée qui jouxte son atelier, on présente les outils mais aussi les grands maîtres japonais de cette technique de teinture. C’est le seul musée de ce type au monde. « Autrefois, les teinturiers plongeaient les mains à même le produit, chauffé à 70° C afin de connaître le moment idéal pour le retirer » explique Mr Abe désignant une photo de sa main aux doigts bleuis. L’atelier propose également aux visiteurs de réaliser leurs propres pièces.
Photos & texte : Johann FLEURI