Il y a des œuvres littéraires plus fortes que d’autres. Tel est le cas du roman de Abe Kazushige qui paraît aux éditions Philippe Picquier et dans lequel l’écrivain décrit avec une précision chirurgicale la lente dérive de Tôya Haruo, un garçon de 17 ans. Envoyé à Tôkyô après avoir été chassé de sa ville natale, au nord du pays, pour avoir provoqué le suicide d’une collégienne qu’il harcelait, cet adolescent est un asocial qui passe son temps derrière son écran d’ordinateur.
Il finit par s’intéresser à une espèce d’ibis, le Nipponia nippon, dont la souche japonaise s’est éteinte. Seule la souche chinoise subsiste, ce qui crée un casse-tête pour les Japonais parmi lesquels le jeune Haruo. Il va se mettre en tête de réaliser un coup d’éclat autour de ses oiseaux dont quelques spécimens (chinois?) vivent sur l’île de Sado,au large de Niigata. L’auteur nous livre à partir du point de vue de ce véritable psychopathe son plan d’attaque. De quoi mettre mal à l’aise le lecteur dans la mesure où le romancier ne porte aucun jugement sur ce personnage pourtant détestable. Une belle claque littéraire qui en dit long sur les troubles d’une partie de la jeunesse japonaise.
Nipponia Nippon, de Abe Kazushige, trad. par Jacques Lévy, éd. Philippe Picquier, 17 €.