Appelés au Japon “ananas de mer” en raison de leur apparence, les violets sont riches en minéraux. On les mange, de préférence, en sashimi et en accompagnement du saké. C’est une des spécialités de la région de Sanriku qui comprend Ishinomaki. Cet été, on a dû en rejeter une quantité importante. Cela est dû à l’embargo imposé, depuis 2013, par la Corée du Sud, gros importateur de violets. Au niveau national, la situation n’est guère plus favorable. Si cette crise persiste, il y a un risque de contamination de la mer lié aux rejets des violets morts. Le syndicat de la pêche de la préfecture de Miyagi a décidé de rejeter 14 000 tonnes de violets considérés comme déchets alors que leur culture, sérieusement touchée par le tsunami de mars 2011, venait de retrouver, grâce aux bénévoles, son niveau d’avant le séisme.
Le violet est un produit de la mer spécifique à toute la région du Tôhoku. Avant le séisme, la production annuelle de violets s’élevait à 14 000 tonnes. La préfecture de Miyagi en produisait 8 000 tonnes, sur différents champs de culture entre Kesennuma et le littoral du nord de la péninsule d’Ojika. La région d’Ishinomaki représente la plus grande zone de culture de violets. Avant le printemps 2011, entre 70 et 80 % des violets étaient exportés vers la Corée de Sud.
Dans ce pays, ils se mangent crus, grillés, ou bien ils sont utilisés dans les recettes au kimchi ou de bibimbap. L’intérêt des Coréens pour la production japonaise remonte à une vingtaine d’années lorsque les violets coréens ont été touchés par une maladie, entraînant une baisse de 10 % de son rendement. Les importations du Japon ont débuté, notamment en provenance d’Ishinomaki. Longtemps resté stable dans la région, le cours du violet s’est mis à grimper pendant près de 10 ans, la demande étant plus forte que l’offre.
Le tsunami a causé d’importants dégâts sur les installations et les violets, comme les huîtres, ont été presque tous décimés. La culture a repris grâce à différentes aides financières du ministère de l’Agriculture et de la préfecture de Miyagi. Des bénévoles sont même venus pour aider les pêcheurs-cultivateurs locaux. La culture de violets commence par l’implantation de larves de violets, flottant en mer, sur les coquillages d’huîtres. Or, les installations ayant été détruites, les violets pondeurs ont également disparu. Les violets naturels n’étant pas suffisants pour assurer la relève, on a dû procéder à la culture artificielle des violets pondeurs. Il va sans dire que toute cette opération reposait sur les perspectives d’exportation vers la Corée, comme avant le séisme.
Tandis que la production avait retrouvé en 2013 son niveau d’antan, la Corée du Sud a interdit l’importation des produits de la mer, notamment en provenance du Tôhoku. La raison invoquée porte sur la contamination de la mer par la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi, alors qu’il n’y a jamais eu de cas avérés de contamination à cause de la centrale. “Ce ne sont que des rumeurs. Cela nous attriste d’être revenus à la situation de 2011”, lancent certains pêcheurs. D’autant que les tests effectués en décembre 2014 par les spécialistes japonais et coréens ont révélé l’absence de radiation ou de taux bien en deçà des normes strictes établies par la Corée du Sud. En 2015, le gouvernement japonais s’est adressé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour que Séoul lève son embargo, mais l’affaire reste en suspens entre les deux pays.
Puisque l’embargo sud-coréen ne semble pas près d’être levé, le syndicat de pêche de la préfecture a décidé de se lancer dans la promotion de la consommation au niveau national en 2014 et 2015. Grâce à cela, la consommation est passée de 2 000 tonnes avant le séisme à 4 100 tonnes par an. Mais cela demeure insuffisant, la plupart des violets cultivés restant sous l’eau. Le meilleur moment de la récolte intervient 3 ou 4 années après l’implantation. Aussi les violets de plus de 4 ans commencent à perdre leur saveur. Si les violets accrochés aux cordes tombent au fond de la mer, comme au moment des typhons, ils risquent de polluer la mer. Il se trouve aussi que l’on manque de place pour implanter de nouveaux violets. Tenant compte de tous ces facteurs, le syndicat a décidé de rejeter en mer une quantité importante de ces coquillages. “On a tout essayé pour promouvoir la consommation nationale et atteindre un niveau acceptable. Mais certaines personnes demandent encore de baisser le prix, ce qui va finir par l’écroulement des cours. On espère que les consommateurs comprendront notre décision prise à contrecœur”, explique un responsable local.
Depuis juillet, dans les ports d’Ishinomaki, Onnagawa et Minamisanriku, on évalue à 14 000 tonnes la quantité de violets à rejeter. Ils peuvent être retraités sous forme d’engrais, mais les formalités administratives freinent leur acheminement sur les lieux d’utilisation, ce qui complique leur conservation le temps de trouver des solutions. Les associations et les syndicats de pêcheurs locaux insistent sur le fait que toute la responsabilité de cette situation incombe à la centrale de Fukushima. Ils ont l’intention de demander le remboursement des frais de retraitement ainsi que des dédommagements à Tepco, l’opérateur du site nucléaire. Les pêcheurs concernés souhaitent faire savoir à la Corée du Sud qu’ils travaillent tous dans ce sens et lui demandent de lever au plus vite son embargo.
Akiyama Yûhiro, Abe Tatsuhito
& Hirai Michiko