Pour parvenir à régler les 20 % de problèmes restant, ce dernier fait face à un gros problème. “Il y a une pénurie de chercheurs dans le secteur de la voiture autonome. Nous avons besoin de plus de spécialistes. Je serais heureux de travailler avec un chercheur européen”, explique-t-il dans l’espoir que Zoom Japon relaie sa demande. “Nous avons besoin d’au moins 10 personnes pour poursuivre des recherches plus poussées. Grâce à elles, nous pourrons raccourcir les délais et parvenir rapidement à régler les petits problèmes et nous mettre au niveau de Google.”
Actuellement, son laboratoire compte 3 chercheurs dont un chercheur postdoctoral. Parmi eux, figure Mohammed Amno Aldibaja originaire de Palestine. “C’est un projet passionnant. Nous devons amener la voiture autonome à un niveau de conduite bien supérieur à celui d’un être humain. Les conducteurs ordinaires peuvent avoir des accidents de circulation. En revanche, la voiture autonome n’a le droit à aucune erreur ! Si un accident se produit, c’est toute l’industrie de la voiture autonome qui en pâtira”, assure-t-il. Le chercheur palestinien vise la perfection. Car il est conscient de la réaction des gens notamment depuis l’accident mortel d’une voiture autonome qui s’est produit aux États-Unis en juillet.
Si Naoki a tant de mal à recruter des chercheurs, c’est en raison d’un manque de moyens financiers. Il a réussi à obtenir un budget annuel d’environ 400 000 euros auprès d’une douzaine d’entreprises du secteur automobile. “Si j’embauche un ou deux autres chercheurs, ce budget va fondre comme neige au soleil. Dans l’idéal, j’aurais besoin du double de mon budget actuel. Je suis comme Warashibe Chôja. Je suis habitué à faire un maximum de recherches avec des bouts de chandelle depuis que je suis étudiant à l’université”, raconte-t-il. Il fait allusion au héros du conte japonais devenu riche par le moyen d’échanges successifs à partir d’un brin de paille.
Il y a 15 ans, alors qu’il était encore étudiant, Naoki a commencé à développer une voiture autonome avec seulement une caméra Sony de 1 300 euros et sans aucune aide financière. “En 1996, mon professeur au laboratoire Robbot m’a fourni un jour une voiture et m’a dit : “Fais-la rouler !”, se souvient-il en souriant. Il lui a fallu 10 ans pour développer un système de reconnaissance visuelle adapté à une voiture autonome et pour trouver un partenaire industriel. “Le sponsor m’a donné entre 1 et 2 millions de yens. Avec cet argent, j’ai développé à la fois un système de reconnaissance et aussi un projet de voiture autonome”. Au cours de ses 15 années de travail dans ce domaine, sa passion n’a pas toujours été bien comprise par les autres professeurs. Certains lui ont dit : “Vous avez l’air de bien vous amuser !”et d’autres : “Pourquoi vous entêtez-vous à faire un tel véhicule inutile ?”.
“Au début, la recherche autour de la voiture autonome était comme mon passe-temps préféré, comme peuvent l’être le kick-boxing ou le marathon pour d’autres personnes. Et puis un jour, je me suis dit que je voudrais bien que cela serve à quelqu’un et j’ai fini par penser que cela pourrait être utile aux personnes âgées. J’ai choisi la ville de Suzu, car elle ne disposait pas de transports publics”, explique Naoki. “2020 représente une simple étape pour moi. C’est un point de passage. Mon objectif à cette date est d’amener la voiture autonome au point que des personnes âgées puissent s’installer sur le siège du conducteur et se déplacer avec. Aujourd’hui, nous sommes au stade d’un système d’aide à la conduite. Au cours des 15 prochaines années, je voudrais arriver à développer un véhicule sans participation humaine. Je crois que je pourrai y parvenir avant mon départ à la retraite!”
Le ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie a publié une “feuille de route” définissant le véhicule autonome. Dans le cadre de la réalisation de cette feuille de route, le ministère souhaite le “développement de partenariat entre l’industrie et l’université”. “En tant qu’élément fondamental pour stimuler le développement de la recherche et la formation de la main-d’œuvre, la collaboration entre les entreprises et l’université est essentielle. Cependant, le Japon n’a pas encore atteint le niveau des pays occidentaux et la collaboration reste insuffisante”, explique-t-il. Le gouvernement reconnaît lui-même que le manque d’attention à l’égard des chercheurs comme Naoki est culturellement enraciné.
Le nombre total de personnes âgées au Japon s’élève à environ 34,6 millions, soit 27,3 % de la population en 2016. Tandis que le nombre d’accidents de la circulation baisse progressivement dans le pays, le pourcentage des accidents causés par des conducteurs de plus de 65 ans est en nette augmentation. Selon les services de police, 1 personne sur 3 âgées de plus de 75 ans est titulaire d’un permis de conduire. En 2015, ils étaient quelque 4,8 millions dans cette situation. Au cours des cinq dernières années, le nombre de conducteurs âgés a progressé de 1,3 million de personnes. Chaque année, on recense environ 200 cas de conduite à contresens sur autoroute. La majorité des contrevenants sont des personnes âgées.
Ce que la ville de Suzu et l’université de Kanazawa sont en train de développer dans cette région soumise au vieillissement et au dépeuplement servira certainement à prévenir les accidents dans le pays champion du monde en termes de personnes âgées.
Segawa Makiko