Il y a plus de 15 ans, Fujishima Kôsuke, mangaka et passionné de voitures, avait déjà imaginé les véhicules intelligents.
Fujishima Kôsuke est tombé amoureux des modèles réduits de voiture quand il était enfant avant de devenir un collectionneur passionné de supercars. Même après s’être imposé dans le monde du manga grâce à Oh My Goddess et You’re Under Arrest, il n’a jamais oublié sa passion pour les voitures et les motos. En effet, il ne manque jamais une occasion d’ajouter quelques voitures à ses histoires ou même d’en avoir fait en 2000 le thème central de la série éX-Driver. Bien qu’elle n’ait compté que six épisodes et un long métrage (2002) avant de tomber dans l’oubli, elle a récemment été redécouverte pour la façon dont Fujishima Kôsuke, qui n’avait pas réalisé l’anime, mais qui en était le scénariste et character designer, a introduit un certain nombre d’innovations technologiques futuristes que l’on présente de nos jours comme étant l’avenir de la conduite.
L’histoire se déroule à Tôkyô, au XXIIè siécle. Les voitures manuelles n’existent plus, le transport étant pris en charge par un réseau numérique qui contrôle tout. La plupart des gens utilisent des voitures électriques sans conducteur, ces mêmes voitures pour lesquelles tous les grands constructeurs automobiles japonais investissent aujourd’hui beaucoup d’argent. Fujishima Kôsuke est allé plus loin en imaginant un monde où les systèmes de partage sont devenus la norme. Le premier épisode s’ouvre sur une scène dans laquelle une famille loue une voiture entièrement automatisée auprès du service “Auto Transport System” en utilisant une carte de paiement sur un terminal situé sur le trottoir. La voiture sans conducteur arrive en peu de temps. Une fois assis, le père utilise (via la commande vocale) un écran GPS pour déterminer sa destination finale : un restaurant français. L’intérieur du véhicule est plutôt ordinaire, hormis l’absence du volant. Le plus remarquable est l’inexistence de ceinture de sécurité, ce qui semblerait indiquer que ces voitures sont si sûres que les passagers n’en ont pas besoin. Pendant que cette famille se dirige vers le restaurant, une autre voiture arrive devant un centre commercial et s’arrête à côté d’une station de recharge. Dès que le passager descend de la voiture, un bras robotisé semblable au chargeur de la Tesla se déploie. Au cours des 150 premières secondes de l’histoire, Fujishima Kôsuke a imaginé les mêmes développements que de nombreux constructeurs automobiles, agences technologiques et urbanistes ont récemment mis sur la table dans le but de se débarrasser de l’élément humain (principale cause des accidents) et de faire de la conduite une expérience plus sûre, tout en évitant les embouteillages.
Plus loin dans le même épisode, on nous montre comment ces véhicules automatisés fonctionnent. Chacun d’eux faisant appel à l’intelligence artificielle et à des gadgets. Des capteurs placés aux quatre coins de la voiture, par exemple, fournissent des données en temps réel à l’ordinateur de bord. Ils sont capables de détection de proximité mais aussi de fournir un lien direct avec les voitures environnantes. Ce système de communication est particulièrement utile en cas de problèmes afin que les voitures à proximité d’une zone d’urgence soient automatiquement arrêtées et placées au bord de la route. Les fonctions GPS sont rendues possibles par un mât de communication placé sur le toit de la voiture.
Mais ces voitures sans conducteur sont-elles vraiment sûres ? La plupart du temps, oui. Cependant, il y a des moments où le système connaît des ratés. La berline qui transporte la famille vers son restaurant français, par exemple, devient subitement folle, enferme les occupants à l’intérieur, et commence à accélérer au milieu d’une circulation très dense. Dans ce cas particulier, la défaillance du logiciel n’a pas de conséquences graves (même si cette famille se souviendra longtemps de son tour de montagnes russes), mais dans d’autres occasions, les voitures peuvent se montrer agressives avec d’autres véhicules. Heureusement pour ces passagers, Fujishima Kôsuke a imaginé les éX-Drivers, une équipe de sauvetage composée d’as du volant (le plus jeune d’entre eux n’a que 13 ans), qui s’occupent des voitures automatiques à chaque fois qu’elles se déchaînent. Comme tous les véhicules électriques sont contrôlés par un système d’ordinateur central, le seul moyen pour ces éX-Drivers de pouvoir agir librement est de conduire une voiture qui n’est pas connectée. Autrement dit, une voiture manuelle à l’ancienne.
La scène culminante dans la plupart des épisodes se résume à la très classique poursuite à grande vitesse. Les éX-Drivers approchent du véhicule à intercepter avant de détruire les quatre capteurs ou de projeter une substance gluante qui enveloppe le véhicule et perturbe la connexion avec le système central. Une fois que les capteurs et le GPS de la voiture sont rendus inutilisables, la procédure d’arrêt d’urgence peut être enclenchée. Comme les incidents sont nombreux dans cette série, on en vient à s’interroger sur les risques induits par le développement de systèmes automatisés. Fujishima Kôsuke semble vouloir nous dire que rien ne peut remplacer la conduite humaine. Il reste, après tout, un amateur de voitures classiques. Ce n’est pas un hasard si les voitures des éX-Drivers sont une Lotus Europa, une Caterham Seven JPE, une Subaru Impreza WRC et une Lancia Stratos HF.
Certaines personnes pensent même que l’amour du mangaka pour les voitures anciennes serait à l’origine de la durée de vie très courte de la série. Que diriez-vous si c’était les constructeurs automobiles japonais qui, après avoir jeté un coup d’œil à l’histoire, avaient fait pression pour arrêter la série afin d’éviter une mauvaise publicité ? Quoi qu’il en soit, théories du complot mises à part, il est étonnant que jusqu’à présent il y a eu peu d’histoires de science-fiction en mesure de prédire avec une telle justesse l’avenir de la conduite automobile.
J. D.