Je rêvais de communiquer avec les Français. Depuis mon arrivée en France, j’ai beaucoup étudié et pratiqué leur langue. Aujourd’hui, j’ai encore quelques difficultés et toujours mon charmant accent japonais, mais je me sens suffisamment à l’aise pour m’exprimer correctement. Professionnellement, j’ai été chargée de l’accueil de la clientèle et j’ai également géré un standard. Je sais défendre mes idées lors de réunions avec des professeurs et des dirigeants. J’ai également fait l’interprète lors de conférences ou bien donné mon avis à la télé ou à la radio française. Je n’oublie pas non plus de contredire mon patron et de négocier de meilleures conditions de travail. Dans la vie privée, je parle des heures avec des proches. Je fais ma difficile avec mon coiffeur en imposant mes exigences, je refuse des médicaments trop chers proposés à la pharmacie, et enfin je n’ai plus peur d’aller voir le médecin. Je regarde quotidiennement la télé. Mon animateur préféré est Yann Barthès et, le fait d’écouter Vanessa Burggraf dans “On n’est pas couché” m’est devenu une sorte de plaisir sadique. Souvent, je râle auprès de Chronopost qui m’a laissé un avis de passage malgré ma présence. Je hausse le ton au téléphone contre un site d’e-commerce qui ignore la perte de ma commande et qui, pour me calmer, m’offre un bon d’achat de 10 euros ! J’ai sympathisé avec Ahmed du service client qui est poli, mais qui ne peut rien faire car il est au Maroc.
Pourtant je me trouve encore comme dans une bulle hermétique. Plus je maîtrise la langue, plus je remarque que je ne parle que de l’essentiel. Je ne sais pas papoter. Malgré mon comportement assez « occidental » pour une Japonaise, je reste marquée par une éducation nippone : “L’intelligence s’entrevoit derrière sa discrétion” disait souvent mon père. Je fais face à un nouveau mur me séparant de la légèreté de ces conversations anodines flottant dans le quotidien. Pour le franchir, il me faut acquérir le pouvoir du blablabla ! Cher Père Noël, êtes-vous là ?