Le 28 décembre, le public français va pouvoir découvrir Your Name, film phénomène de Shinkai Makoto.
Depuis des semaines, on ne parle plus que de lui. Shinkai Makoto fait les gros titres de la presse et mobilise l’attention des chaînes de télévision. Le réalisateur de Your Name (au cinéma le 28 décembre) s’est imposé dans le quotidien de millions de Japonais en l’espace de quelques semaines alors qu’il était jusque-là connu qu’auprès des amateurs d’anime. Ces derniers savaient après avoir vu La Tour au-delà des nuages (Kumo no mukô, yakusoku no basho, 2004), 5 centimètres par seconde (Byôsoku 5 senchimétoru, 2007) ou encore le sublime The Garden of Words (Kotonoha no niwa, 2013) que Shinkai Makoto était un grand, un très grand de la trempe d’un Miyazaki Hayao. Alors que le cofondateur du Studio Ghibli, dont on célèbre les 30 années d’existence cette année, semblait avoir définitivement tourné la page pour une retraite bien méritée, bon nombre de personnes attendaient de connaître celui qui pourrait porter haut les couleurs de l’animation made in Japan. Hosoda Mamoru, qui avait failli rejoindre Ghibli, a longtemps été le favori jusqu’à ce que Shinkai Makoto vienne brouiller les cartes avec Your Name pour lequel le public et les critiques ne tarissent pas de compliments. Il suffit de regarder les chiffres du box-office pour se convaincre du phénomène. Après 14 semaines d’exploitation en salles, il occupe toujours la tête du classement des meilleures entrées avec près de 15 millions de spectateurs et plus de 19,4 milliards de yens de recettes. Il ne lui a fallu que 4 semaines pour passer le seuil des 10 milliards de yens de recettes devenant après Miyazaki Hayao le seul réalisateur d’anime à réussir cette prouesse.
De là, à présenter Shinkai Makoto comme le nouveau Miyazaki, il n’y a qu’un pas que beaucoup n’ont pas hésité à franchir. Pourtant, en dehors de l’engouement et du succès économique que représente Your Name, il est franchement un peu précipité de mettre en parallèle les deux réalisateurs dont les approches sont différentes. Même si Shinkai ne cache pas son admiration pour le réalisateur du Château dans le ciel (Tenkû no shiro Rapyuta, 1986), il répète qu’il n’a jamais cherché à reproduire son illustre prédécesseur. Et c’est tant mieux. Quand Miyazaki se pose en un observateur critique à tendance paternaliste de la société japonaise (voir pp. 7-8), l’auteur de Your Name se contente de rapporter les émotions de ses protagonistes, créant ainsi une formidable proximité avec le public qui ne peut qu’adhérer à sa démarche. Cela ne l’empêche pas de s’intéresser au Japon d’aujourd’hui et de le décrire tel qu’il est. D’un côté, l’immense mégalopole qu’est Tôkyô vers laquelle tout le monde se tourne et de l’autre, la province japonaise avec ses petites villes où il ne se passe pas grand-chose – la description que font les jeunes héros d’Itomori, la petite cité imaginée par Shinkai, est typique et très drôle. Il n’oublie pas non plus de remettre le Japon dans sa dimension de pays soumis aux caprices de la nature. Ici on ne parle pas de séisme, mais d’une météorite. Comme dans la réalité, Shinkai Makoto montre la capacité des Japonais à ne pas se laisser abattre par ces tragédies. Il le fait avec une grande subtilité et un talent fou. Il faut sans doute expliquer l’engouement qu’a suscité Your Name auprès du public nippon par le soin qu’il a apporté au traitement des paysages. On sait à quel point les Japonais sont attachés à leur environnement visuel et combien ils peuvent être meurtris quand celui-ci disparaît ou est transformé par la violence des éléments. En ce sens, Your Name s’impose comme l’une des premières grandes réalisations post-mars 2011 et il n’est pas étonnant que les spectateurs japonais n’aient pas résisté devant sa force d’attraction. Car derrière cette histoire simple d’une rencontre entre un garçon et une fille – quoi de plus banal ? –, Shinkai Makoto a construit un chef-d’œuvre d’une incroyable richesse. De quoi rendre jaloux, même un Miyazaki qui vient d’annoncer son probable retour à la réalisation…
Odaira Namihei