Le Centre national d’art de Tôkyô propose jusqu’au 22 mai une exposition exceptionnelle consacrée à l’artiste.
Quand on leur demande de nommer des artistes japonais influents de renommée internationale, la plupart des gens citent volontiers Ono Yoko ou Kurosawa Akira. Ils sont peu nombreux à penser à Kusama Yayoi dont l’influence a pourtant été importante pour de nombreux artistes contemporains. Elle est tout de même apparue récemment dans le classement du magazine Time des 100 personnes les plus influentes du monde, la seule Japonaise à figurer sur cette liste. Pour beaucoup, son nom n’évoque rien, mais ses œuvres couvertes de points et ses citrouilles géantes colorées sont instantanément reconnaissables.
En 2016, son exposition In Infinity a fait le tour de la Scandinavie tandis qu’une autre Infinity Mirrors est actuellement présentée dans quelques villes d’Amérique du Nord. Mais le meilleur endroit à visiter en ce moment si vous êtes un fan de cette artiste est Tôkyô où le Centre national d’art (Kokuritsu Shinbijutsukan) présente My Eternal Soul, sans doute sa plus impressionnante exposition à ce jour, couvrant toute sa carrière, de ses débuts à son plus récent projet en cours de développement.
Chronologiquement parlant, l’exposition commence par la fin. Nous entrons dans un immense espace dont les murs sont couverts de 132 pièces jamais présentées au Japon. Ces œuvres de grande taille appartiennent à la série My Eternal Soul constituée de 500 peintures sur lesquelles Kusama travaille avec frénésie depuis 2009. Comme elle le raconte dans le guide audio mis à disposition des visiteurs, elle se lève tous les jours à 9 h et quitte la clinique psychiatrique où elle vit pour aller à son atelier. Là, elle travaille sur ses tableaux jusqu’à la nuit tombée. “Je suis tellement concentrée que j’oublie même de manger, et il y a des moments où je suis si fatiguée que je défaille”, dit-elle. Après une première esquisse, elle réalise ses peintures en couvrant d’abord la toile d’une ou deux couleurs. Puis elle ajoute une nouvelle couleur. “Je laisse ma main aller librement sans vraiment penser à ce que je fais. Je suis attachée à chaque travail que je fais parce qu’ils viennent tous de mon cœur. Ils révèlent tous les hauts et les bas de mon état mental.” Apparemment, elle travaille à une telle vitesse et avec une telle concentration qu’elle parvient à terminer une peinture de 194 cm sur 194 cm en seulement 2-3 jours. “Je n’arrête jamais de penser à ce que je vais faire ensuite”, explique-t-elle. “Mes idées viennent à moi sans arrêt pendant que je peins, l’une après l’autre.”
La série est marquée par une variation extrêmement riche de motifs figuratifs et de motifs abstraits qui coexistent librement. C’est une concentration de visages drôlement effrayants, d’amibes et de milliers de petits yeux qui donnent l’impression de nous espionner. Certaines de ces œuvres sont monochromes tandis que d’autres montrent un incroyable éventail de couleurs,. On y trouve aussi de l’or, de l’argent et du cuivre. Prise une à une, la plupart de ces œuvres sont magnifiques et on reste subjugué par l’effet global offert par la vision de tous ces travaux côte à côte. Nous sommes écrasés par la présence d’un génie fou complètement obsédé par son art.