Le travail est néanmoins récompensé. Le gage de qualité des olives d’Ushimado est reconnu dans tout l’archipel. Huile pour le corps, savons, bain moussant, “nous avons un petit jardin de cosmétiques qui nous permet de faire pousser des roses, des géraniums, du romarin. Nous nous passons ainsi de colorants. Tout est végétal. Nous mettons simplement en valeur les vertus de l’olive qui sont nombreuses.” “Saviez-vous, par exemple, que le bain moussant à base d’huile d’olive permet de conserver la chaleur même après avoir quitté la baignoire ? C’est très pratique en hiver.” Au Japon, une autre île est connue pour sa production d’huile d’olive. “Il s’agit de Shôdoshima que l’on aperçoit au large depuis la colline. Mais les parfums sont différents”, explique Hattori Yoshirô. A Ushimado, tout est fait à la main, pas de machines “même pour la récolte”.
A mesure que l’on parcourt la ville de Setouchi, on se rend rapidement compte que cette modeste ville de la préfecture rurale d’Okayama apporte un soin particulier à promouvoir le local et la fabrication artisanale et naturelle. Région agricole, elle est fière de sa production de légumes, mais aussi de la qualité de ses huîtres qui la place au second rang national. Elle est également connue dans le monde entier pour sa poterie et son savoir-faire dans la fabrication artisanale de sabres japonais traditionnels. Tous ses habitants semblent impliqués dans la promotion du savoir-faire local : chacun commercialisant les produits des uns et des autres ou servant dans l’assiette le chou, les tomates ou la salade du fermier du coin.
“Après vingt ans d’une vie de salarié chez Canon à Tôkyô”, Ôkura Hideyoshi est rentré au bercail, “pour reprendre Ichimonji, le restaurant de udon [nouilles à base farine de blé] de ma mère”, raconte-t-il. A ce moment-là, il n’avait aucune idée de ce à quoi allait ressembler sa vie de patron d’un petit restaurant de nouilles. “Quand je me suis lancé, en 1995, c’était pour le faire à fond. Je me suis dit, quitte à faire des udon, autant les faire de A à Z.” L’homme a alors fait des recherches, trouvé une recette faite à base d’une farine locale que plus personne ne produisait. Il a décidé d’investir et de faire pousser la céréale nécessaire pour en relancer la fabrication. Puis il s’est équipé d’une machine pour confectionner de la farine. “Au début, c’était incroyablement difficile. Je suis autodidacte, je me formais sur le tas, ça prenait du temps. Le goût était trop différent de celui de mes concurrents qui importent leurs nouilles… les clients préféraient aller chez eux, car le goût ne changeait jamais.”
Persévérant, Ôkura Hideyoshi a continué. Son fils est venu lui prêter main-forte. “Grâce à lui, j’ai pu me perfectionner plus vite.” Aujourd’hui, le restaurant ne désemplit plus. Il produit aussi ses légumes et des canards qu’il élève en bio et qu’il sert avec ses udon. “Depuis 2012, je ne travaille plus qu’en direct avec les producteurs locaux. Tout ce que je sers dans mon restaurant est du 100 % produit à Setouchi”, assure-t-il fièrement. L’homme a reçu une distinction du ministère de l’Agriculture et des Forêts pour ses efforts dans la production du konmugi, cette farine qui avait disparu. Ôkura Hideyoshi est également l’un des organisateurs du marché de Setouchi qui a lieu tous les derniers dimanches du mois, à quelques pas de son restaurant.
Cette volonté du local va de pair avec le respect des produits. Le mottainai en japonais. Akiyama Hideyuki en a même fait sa profession en imaginant un magasin unique au monde. “Quand j’étais petit, j’adorais les dagashi, ces friandises japonaises salées ou sucrées que l’on trouvait un peu partout et que l’on pouvait acheter pour 10 ou 20 yens. Avec 100 yens dans ma poche, j’étais le roi du monde”, se souvient-il. Aujourd’hui, ces magasins de dagashi ont quasiment tous disparu de l’archipel “au profit des supérettes. Ouvrir cette boutique, c’était permettre de préserver la tradition des dagashi et aussi essayer d’arrêter de gaspiller.”