Avec Sayonara qui sort le 10 mai sur nos écrans, Fukada Kôji offre sa vision d’un monde post-catastrophe.
Depuis que Komatsu Sakyô a imaginé en 1973 la disparition de l’archipel dans son célèbre roman La Submersion du Japon (Nihon chinbotsu), ce thème est devenu un thème de réflexion pour de nombreux artistes. Au cinéma, outre les deux adaptations de l’œuvre de Komatsu, on ne compte plus les films qui exploitent le sujet, surtout depuis le tsunami de mars 2011 qui a conduit à l’accident nucléaire de Fukushima Dai-ichi. Au même titre que les écrivains qui se sont adaptés à la nouvelle réalité issue de cette catastrophe sans précédent dans le pays (voir pp. 10-12), plusieurs cinéastes ont réalisé des œuvres qui prennent en compte cette situation inédite. On se souvient du magnifique The Land of Hope (Kibô no kuni, 2012) de Sono Shion tourné quelques mois à peine après l’explosion de Fukushima Dai-ichi qui constituait un film engagé contre les dangers du nucléaire.
Aujourd’hui, c’est au tour de Fukada Kôji, figure montante du 7e Art au Japon, d’aborder la question dans son film intitulé Sayonara qui sort dans les salles françaises le 10 mai. Réalisé en 2015, ce long métrage est donc antérieur à l’impressionnant Harmonium que nous avions pu découvrir au début de l’année sur nos écrans. Rien à voir cette fois avec un drame familial, le réalisateur s’attaque à un thème autrement plus ambitieux, celui de la fin du Japon après un désastre nucléaire. Le film s’ouvre sur des flammes qui s’élèvent au loin dans la nuit. Plusieurs centrales nucléaires de l’archipel ont été prises pour cible par des terroristes. Rapidement on comprend que la situation est impossible à maîtriser.
Avec un tel début, on pourrait s’attendre à une suite dans la lignée des films catastrophes dont le Japon a le secret. Pas du tout. Fukada Kôji n’a pas voulu tomber dans les productions à la Tôhô. Au contraire, aux images d’actualité qui rappellent celles dont les chaînes d’info nous abreuvent dès qu’elles le peuvent, succède une ambiance automnale qui tranche radicalement avec l’entrée en matière. Il faut d’ailleurs saluer le travail de la directrice de la photo Ashizawa Akiko grâce auquel le contraste est encore plus saisissant. La campagne paisible nous ferait presque oublier que le pays est saturé de radioactivité. Cependant très vite, on apprend que la Japon n’existera bientôt plus puisqu’il a été décidé de l’évacuer.
Comme témoins privilégiés de cette situation, Fukada Kôji a choisi Tania, une jeune femme originaire d’Afrique du Sud déjà “réfugiée” au Japon qui attend son ordre d’évacuation dans une petite maison perdue dans les montagnes, et Leona, son androïde de première génération que lui a offert son père et qui veille sur elle. Si le film soulève des questions sur la gestion politique d’une telle crise, ce n’est pas son enjeu principal. Il s’agit plutôt d’élargir le sujet à la disparition de l’humain et il dépasse largement le cadre du Japon proprement dit. A sa manière, Sayonara s’inscrit dans la dimension universelle des œuvres littéraires d’un Murakami Haruki. Le film met aussi en lumière la place du robot dans un monde où l’homme pourrait bien disparaître. En 1h52, Fukada Kôji nous offre de beaux sujets de réflexion et nous montre qu’il mérite toutes les louanges dont il fait l’objet. Sayonara est la perle de ce printemps 2017.
Gabriel Bernard
Infos pratiques
Sayonara de Fukada Kôji avec Bryerly Long, Geminoid F, Arai Hirofumi, Murata Makiko. 1h52. Sortie le 10 mai.