A l’annonce de la distinction, le chef ne cachait pas un brin de panique quant à l’organisation du flux massif de clientèle qu’il s’apprêtait désormais à accueillir. “Bien sûr, nous avions tous vu comme cela s’est passé avec Tsuta-san…” En 2015, le tout premier restaurant de râmen tokyoïte étoilé par le guide était Tsuta (http://ameblo.jp/yuki-onishi), à deux pas de Nakiryû, toujours dans l’arrondissement de Toshima. Le chef, Ônishi Yuki, avait alors dû improviser devant un véritable raz-de-marée de clients. “La file était sans fin”, se rappelle-t-il. “Nous avons depuis mis en place un système de tickets. La mise en vente démarre à 8 h, chaque client est invité à revenir à une heure bien précise pour le déjeuner.” Le service s’égrène alors de 11 h à 17 h, pas un bol de plus, pas de service le soir. Chaque matin, en quelques dizaines de minutes, les tickets s’arrachent. “C’est comme ça depuis l’étoile… On a imaginé ce système car le voisinage commençait à se plaindre des files ininterrompues de clients chaque jour.”
Près de deux ans après, Ônishi Yuki s’étonne encore de tout cela. “Je voulais simplement faire les meilleurs râmen possibles”, sourit-il. Mais pour cela, il a pris des risques et s’est donné du mal. Il y a quatre ans, il lâchait une carrière prometteuse dans la mode pour reprendre la voie de son père, lui même chef d’un râmen-ya mais dans la préfecture de Kanagawa, au sud de la capitale. Il y apprend la technique, mais apporte rapidement sa touche personnelle à travers une revisite audacieuse. “Je fais mes nouilles moi-même, j’ajoute de l’huile de truffe, je sélectionne avec soin chacun de mes ingrédients inclus dans la recette, comme, ma pâte miso qui est artisanale.” Le résultat est une pure merveille pour un prix inférieur à 8 €.
“Les chefs tokyoïtes ont énormément de talent et la qualité de leurs produits est fantastique”, souligne Michel Ellis, directeur international du Guide Michelin. La ville aux 160 000 restaurants (à titre de comparaison, la France en compte 200 000) en a encore sous la pédale. Tôkyô compte désormais 542 restaurants, 49 hôtels et un ryokan étoilés. Parmi les 161 restaurants ayant 1 étoile cette année, 19 sont nouveaux sur la liste.
Installée au comptoir, Yuka prend quelques photos. Puis savoure son bol. Une chose est sûre, demain, elle refera le voyage depuis Chiba pour l’arrondissement de Toshima. Elle veut absolument goûter les râmen de Tsuta avant de reprendre son avion vers la Thaïlande dans quelques jours.
Johann Fleuri