Or, son engagement en faveur de la parité provoque la colère des cléricaux et finit par se retourner contre le naturaliste. Contraint de quitter son poste au lycée d’Avignon en 1871, Fabre s’installe à Orange, puis à Sérignan-du-Comtat, dans le Vaucluse, où il rédige les Souvenirs entomologiques, ouvrage imposant de 4 000 pages, et de nombreux livres destinés à l’enseignement. C’est à cette époque extrêmement féconde pour la carrière de Fabre que s’engage la correspondance avec Charles Darwin, auteur de L’origine des espèces et lecteur du naturaliste français. Voilà pourquoi on retrouve le nom de Fabre, qualifié d’“observateur inimitable”, dans le livre du père de la théorie de l’évolution. En 1915, Fabre s’éteint à l’âge de 91 ans, dans sa propriété du Vaucluse, qu’il avait baptisée Harmas (“friche” en provençal). Cette maison rose, classée monument historique, abrite aujourd’hui le musée qui lui est dédié.
C’est seulement 7 ans après la disparition de l’entomologiste qu’Ôsugi Sakae, militant anarchiste et traducteur de Darwin, publie la première traduction japonaise des Souvenirs entomologiques. Le livre connaît un certain succès. “A l’ère Taishô (1912 – 1926), les journaux parlaient déjà de lui comme un personnage très connu du grand public”, explique Okumoto Daizaburô, traducteur et auteur de nombreux ouvrages – biographie et essais – sur Fabre.
Alors pourquoi les Japonais adorent-ils tant l’entomologiste ? “Parce qu’il y a beaucoup d’insectes au Japon et que les Japonais les aiment tout simplement”, affirme-t-il. “Il faut se souvenir que les Japonais écrivaient déjà des poèmes sur les chants des grillons au Xe siècle. Même au niveau de la peinture, on peut noter que les Européens ne les dessinaient jamais ! Or si l’on observe de près, par exemple, Fûsokazu, tableau de Sakai Hôitsu (1761-1829), on peut apercevoir une sauterelle léchant une goutte d’eau”, poursuit Okumoto Daizaburô. Cet amour des Japonais pour les insectes est encore puissant aujourd’hui. Surtout en été, les supermarchés vendent une espèce de scarabées-rhinocéros appelée kabutomushi. Les enfants se les arrachent et les gardent comme des animaux de compagnie – certains d’entre eux tentent même de les faire se reproduire. Ce n’est donc pas rare dans l’archipel de voir, par exemple, sur un chemin de montagne, des enfants ou même des adultes, les yeux rivés sur les arbres et un filet à insectes à la main, courir après un papillon ou une libellule.