Pour Emile Laguna, professeur de sciences naturelles et président de l’association des compagnons de l’Harmas, qui échange souvent avec des fabrinistes nippons, c’est aussi la philosophie de l’entomologiste qui a séduit au Japon. “Contrairement à la majorité de ses contemporains, Fabre ne considérait pas l’homme au-dessus de toutes les autres espèces. Il estimait qu’il faisait lui aussi partie intégrante de la nature”. C’est donc cet “état d’esprit si singulier pour un Français de cette époque” qui plaît autant aux Japonais, car ils “retrouvaient là une attitude vis-à-vis de la nature très similaire à celle de leur culture et de leur religion”, assure Emile Laguna.
Appréciés aussi par leur qualité scientifique et littéraire, les ouvrages de Fabre se sont ainsi bâti une réputation plus que solide dans ce pays d’Extrême-Orient. “Pour nous, c’est un grand classique”, estime Tanaka Isao, responsable éditorial au sein d’une maison d’édition qui vient de publier une nouvelle édition des Souvenirs entomologiques adaptée pour un jeune public. “Ce sont des livres scientifiques, mais qui se lisent comme un roman. De plus, ils plaisent même à des personnes qui ne s’intéressent pas aux insectes”, continue-t-il.
Un contraste surprenant avec la situation en France, où la notoriété du naturiste, qui fut appelé “l’Homère des insectes” par Victor Hugo, a quasiment disparu aux fils des années. “Fabre, qui n’est pas issu de la filière classique universitaire, a toujours souffert du manque de reconnaissance “officielle” de la part de la communauté scientifique en France”, regrette Emile Laguna. Cet autodidacte a presque toujours travaillé seul et n’a pas en effet obtenu l’agrégation en entomologie. “Je crois qu’il ne voulait pas faire des études uniquement pour obtenir le diplôme. Il jugeait cela trop bureaucratique”, explique Okumoto Daizaburô. “De son vivant, il était connu pour être un homme au contact difficile. Vous savez comment ses collègues de son lycée l’appelaient ? Ils l’avaient surnommé “la mouche” !” ajoute-t-il.
Okumoto Daizaburô est intarissable sur Fabre qu’il admire tant. “Il ne croyait qu’aux choses qu’il avait vues de ses propres yeux. Cet état d’esprit m’a beaucoup servi dans la vie”, raconte-t-il. Le traducteur est aussi président de l’Association Jean-Henri Fabre Japon. Chaque weekend, celle-ci emmène des enfants à la campagne. L’idée est de leur permettre de capturer des insectes sur place et de leur apprendre comment préparer des spécimens. “Il faut courir après les insectes ! C’est le meilleur moyen pour apprendre de la nature”, assure Okumoto Daizaburô qui est lui-même un grand collectionneur d’insectes. Il accompagne lui-même de temps en temps les enfants, espérant ainsi que l’esprit du grand entomologiste français sera perpétué par ces petits Japonais.
Yagishita Yûta
Infos pratiques
Musée Fabre des insectes 5-46-6 Sendagi, Bunkyô-ku, Tôkyô 113-0022. Tél. 03-5815-6464
www.fabre.jp