Hayakawa Tadanori, auteur d’un livre sur le phénomène, s’alarme de l’analogie que le phénomène présente avec les discours très répandus dans les années 1930 qui précédèrent le déclenchement de la guerre. “A l’époque, on avait des livres et des affiches qui louaient l’excellence du peuple japonais et sa culture”, explique-t-il. Selon lui, ces publications d’il y a 80 ans évoquent point par point celles d’aujourd’hui, notamment par “la manière peu crédible de raisonner et le manque d’objectivité”. Par exemple, l’anatomiste Adachi Buntarô avançait en 1933 que les Japonais étaient plus évolués que les Blancs parce qu’ils avaient moins de poils. “On s’étonne de voir comment les Occidentaux sont poilus…On peut dire pour cela qu’ils sont plus proches d’animaux que nous”, écrivait-il.
Pour Hayakawa Tadanori, ces discours teintés de racisme et de nationalisme étaient un reflet du complexe des Japonais vis-à-vis de l’Occident, et surtout celui de l’isolement du pays après le retrait du pays de la Société des Nations en 1933. “Ce phénomène a généré une ambiance générale dans la société qui a permis au gouvernement militariste de l’époque de se lancer dans la guerre. L’idée était de dire que le Japon, pays supérieur, devait sauver les peuples asiatiques de l’impérialisme occidental”, rappelle Hayakawa Tadanori.
Alors, peut-on faire le parallèle entre 1933 et 2017 ? Certains observateurs voient dans le succès de la tendance “Nippon Sugoi” actuelle un sentiment d’anxiété collective d’une société de plus en plus inégalitaire à la recherche d’une vision d’avenir après la fin de la croissance économique. Hayakawa Tadanori s’en inquiète surtout parce que “ce genre de discours rend forcément floue la frontière entre l’individu et la nation. En lisant ces articles, les lecteurs s’identifient plus facilement à l’Etat”, analyse-t-il. “Les arts traditionnels et les artisans encensés dans ces publications et ces émissions peuvent être réellement épatants. Mais cela ne veut absolument pas dire que les lecteurs le sont. Il faut faire la différence entre les deux”, estime-t-il.
Yagishita Yûta