Concepteur de machines à pain industrielles, le japonais a réussi à obtenir des résultats bluffants.
Karê-pan frits, montagne de macarons roses et verts, shokupan, brioches tressées avec croûte en sucre et chocolat. On ne compte plus les gourmandises lorsque les employés des laboratoires Rheon sont en plein test de machines. Pas moyen d’échapper aux délicieux parfums de pain frais et de gâteaux tout juste sortis du four quand les visiteurs passent dans les couloirs. Aujourd’hui, un client originaire de Singapour a fait le déplacement jusqu’à Utsunomiya, dans la préfecture de Tochigi, au nord de Tôkyô, pour venir voir, en personne, les machines conçues par Rheon avant de se décider. A voir sa mine réjouie, alors qu’il déguste les produits fraîchement confectionnés, il semble satisfait et prêt à passer commande. “Nous avons ici, à quelques centaines de mètres de notre usine de fabrication, trois laboratoires de recherches, détaille Kaneko Tamotsu, directeur technique de Rheon. Le premier est consacré au pain sous toutes ses formes, le deuxième est spécialisé dans la confection de pâtisseries japonaises, enfin le troisième se concentre sur les pâtisseries occidentales pour le marché japonais mais aussi pour l’international. Le rôle de ces laboratoires est double : ils servent de show-room pour les clients, mais ils nous permettent aussi et surtout de faire fonctionner les machines, de détecter certains problèmes, et de toujours réfléchir à des façons de les améliorer, dans le but de créer de nouvelles recettes.”
Forte de sept unités de production dans le monde, l’entreprise emploie 736 salariés. Première à avoir conçu une machine capable de confectionner et de fourrer des pains, elle tire son nom de la rhéologie, terme savant qui définit l’étude de la déformation et de l’écoulement de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée. Partant du principe que, depuis la nuit des temps, l’homme façonne sa nourriture dans la paume de sa main, il s’agit, de robotiser ce geste, avec la même délicatesse et la même précision. En créant ce savoir-faire alors inédit, Rheon a fondé à son tour une nouvelle branche d’étude centrée sur la confection de produits agroalimentaires la plus minutieuse possible. Leader sur le marché, il faut bien avouer que les machines Rheon, mondialement réputées, sont d’une précision impressionnante. Alors que les premières chaînes de fabrication finissent de confectionner le fameux shokupan, une seconde machine s’affaire à fourrer des petits pains avec du curry japonais tandis qu’une troisième a sorti, un peu plus tôt dans l’après-midi, des coques impeccables pour des macarons. Une autre ligne de fabrication tresse de fines couches de pâte sucrée pour des pains au chocolat, façon melon-pan japonais. Pour cette dernière préparation, il suffira de mettre les matières premières à l’entrée de la machine et elle se chargera de toute la chaîne de fabrication seule, sans intervention de l’homme. “Une machine est capable de faire le travail de quatre artisans, sans altérer le goût, ni la qualité du pain, assure Kaneko Tamotsu. C’est une donnée primordiale qui fait la réputation de nos machines : elle est efficace et elle n’altère pas le goût du pain. On pourrait penser que ce dernier a été fait par un artisan-boulanger.”
Au Japon où le déclin de la population place le pays dans une situation critique, la question de la main d’œuvre est primordiale. Il est nécessaire de trouver des solutions pour continuer à produire les quantités dont la population a besoin. “Les entreprises japonaises peinent de plus en plus à recruter, reconnaît Shinga Takeharu, responsable du marketing chez Rheon. Or la consommation de pain ne faiblit pas. Nous devons mettre à disposition des professionnels, des machines capables de répondre à ce défi sur le marché domestique.”