L’ancienne capitale impériale a toujours été ouverte à la nouveauté. Il était donc normal qu’elle adopte le pain plus qu’ailleurs.
Si vous avez en tête l’image figée de “ Kyôto gardienne de la tradition “, vous serez étonnés d’apprendre qu’elle est en compétition avec Kôbe pour le titre de la ville la plus grande consommatrice de pain, avec 62 545 grammes par foyer et par an, alors que la moyenne nationale s’élève à 45 087 grammes. C’est également la plus grande consommatrice de beurre et de lait (ce qui est lié). Kyôto compte 283 boulangeries intramuros. Dès la descente du train, on ne peut manquer de remarquer l’omniprésence du pain et des boulangeries, qu’elles soient industrielles ou artisanales, à l’entrée de chaque station de métro, dans les quartiers commerçants ou résidentiels… C’est là tout le mystère et le charme de cette ville qui, tout en demeurant extrêmement traditionaliste, sait faire preuve d’une immense curiosité. Durant l’époque moderne, Kyôto fut la première ville à s’équiper d’un tram (1895) et d’une centrale hydraulique (1890), à voir le premier vol réussi d’un ballon dirigeable (1877) ou encore à ouvrir la première brasserie (1895)… Et aujourd’hui encore, les restaurants de cuisine du monde entier rivalisent avec ceux de cuisine traditionnelle.
Le pain, donc. Lorsque l’on réfléchit à sa nature — il est le fruit d’un savoir-faire artisanal, qui reflète la personnalité de chaque boulanger —, on comprend aisément que sa confection soit une affaire d’importance pour les Kyôtoïtes. La forte présence des étrangers, qu’ils soient touristes ou résidents, a sans doute contribué à cette tendance. Même les Français ne tarissent pas d’éloges sur la qualité du pain de l’ancienne capitale impériale. Il existe une rue des boulangeries (Imadegawa dôri) où vous pouvez en trouver une quasiment tous les cent mètres. Chacune d’entre elles possède sa propre personnalité : véritables pains de campagne, sandwichs originaux, pains sucrés et mignons qui plaisent aux enfants, pains au levain naturel, bagels, pain au lait à l’ancienne, fusion avec les ingrédients japonais…
Kyôto est également réputé pour son café. Statistiquement parlant, c’est aussi la ville qui en consomme le plus ! Grâce d’une part, à la qualité de son eau, très douce, mais aussi à la sensibilité aux arômes déjà hautement développée avec le thé. L’une des premières boulangeries à Kyôto à avoir commercialisé la baguette a ouvert le café Notre pain quotidien en 1930. Et, sur l’affiche de l’époque, il était écrit en français : “Le meilleur pain le plus hygiéniquement fait”…
Comme dans toutes les villes où existe cette culture du café, ces lieux sont surtout là pour faciliter les rencontres entre les gens, pour créer la sensation d’une “vie de quartier”. Autour des universités, les cafés et les pains délicieux offrent aux étudiants des lieux de discussions, et servent de refuges matinaux aux salariés dans le quartier des affaires… Un aliment n’est jamais adopté tout seul, il devient important lorsqu’il se retrouve étroitement imbriqué dans la vie des gens et crée des liens organiques ou des symboles de vie pour une communauté.
Sekiguchi Ryôko