Pour son premier long métrage, Hirayanagi Atsuko offre une œuvre d’une grande maîtrise et profondeur.
Autant l’écrire d’emblée, Oh Lucy ! est un véritable coup de cœur. Le film de Hirayanagi Atsuko offre au spectateur tout ce qu’on peut attendre d’une œuvre riche servie avec brio par des acteurs inspirés : rires, larmes et réflexions. L’affiche est déjà tout un programme car elle interpelle notre curiosité. Que peut bien faire une Japonaise d’un certain âge affublée d’une perruque blonde avec une balle de ping-pong orange dans la bouche ? Une approche comique à laquelle succède rapidement, dès les premières minutes du film, une réalité qui l’est beaucoup moins. C’est d’ailleurs l’un des points forts de cette œuvre que de montrer en définitive que la vie est constituée en permanence de moments légers et d’autres graves et que chacun d’entre eux influence notre existence.
La première scène du film qui se déroule sur le quai d’une gare est en cela assez emblématique. “Je voulais souligner l’état d’esprit de Setsuko, le personnage principal, et montrer quelques éléments de son quotidien qui lui procurent tellement de mal-être. On perçoit sa solitude, un malaise profond dans un regard. On ne le voit pas encore, mais elle est sous traitement médical avec des tendances suicidaires”, explique Hirayanagi Atsuko. “Mais surtout, le quai de la gare permet de mettre en évidence l’unicité de la société nippone, une unicité parfois forcée. Tout le monde porte un masque. On ne souffre pas beaucoup ceux qui refusent de se comporter comme la majorité. Setsuko est justement de ces êtres qui, au fond, ne pensent pas comme les autres, mais qui se comportent comme eux. On la sent malheureuse sur ce quai au milieu de cette foule impassible ou presque.” Le suicide d’un homme qui se jette sur la voie au moment où le train arrive rompt cette monotonie forcée et illustre ce que pourrait être en définitive le destin de cette femme quadragénaire, célibataire dont le quotidien est sans aucune saveur.