Les relations entre les Japonais et les Africains remontent au XVIe siècle. Mais il y a encore beaucoup à faire.
Au cours des dernières années, l’Afrique est revenue dans le radar du Japon qui, sur le plan diplomatique, économique et culturel, a compris l’importance de ce continent pour son avenir. Pourtant, le lien entre Japonais et Africains est ancien et original puisque le premier étranger à avoir obtenu le statut de samouraï, une distinction on ne peut plus nippone, était originaire d’Afrique centrale ou occidentale. Enlevé et vendu à un jésuite du nom d’Alessandro Valignano, il accompagne ce dernier en 1579 lors d’un voyage dans l’archipel. Le jeune homme robuste de 1,80 m fit grande impression, notamment auprès d’Oda Nobunaga, seigneur important qui tentait d’unifier le pays. Considérant qu’il avait “la force de 10 hommes réunis”, il décida d’en faire son garde du corps avant de lui permettre de gravir les échelons dans la classe des guerriers grâce à son courage et sa puissance. L’histoire de Yasuke reste encore mystérieuse, mais elle illustre néanmoins l’ancienneté de la relation enre le Japon et l’Afrique. Grâce aux marchands hollandais, seuls étrangers autorisés à commercer avec le pays du Soleil-levant pendant les deux siècles de fermeture de l’archipel, les Japonais ont continué à s’informer de la situation dans le monde, y compris en Afrique.
Avec l’ouverture du Japon à la fin du XIXe siècle et la période de modernisation qui suit, le continent africain sort du champ d’intérêt des Japonais qui considèrent alors l’Afrique comme relevant de la sphère d’influence des Européens avec qui ils ne voulaient pas chercher querelle. Les choses ont évolué suite à la Première Guerre mondiale et l’affaiblissement de l’Europe après quatre années d’un conflit extrêmement sanglant. Le Japon renforça alors ses échanges économiques avec certains pays, en particulier l’Afrique du Sud et l’Egypte qui restent aujourd’hui encore des partenaires privilégiés. La phase de reconstruction et de développement rapide qui suit la défaite japonaise de 1945 marque un véritable tournant dans les relations entre l’Afrique et l’archipel. Les matières premières africaines étaient indispensables à l’industrie nippone. Parallèlement à l’intérêt économique que pouvait susciter le continent africain, le Japon a aussi commencé à s’y intéresser de manière plus large avec la création, par le ministère des Affaires étrangères, de la Société africaine en 1958 dont le but était de favoriser une meilleure connaissance de l’Afrique. A la même époque, la Bibliothèque de la Diète, l’équivalent de la Bibliothèque Nationale, s’est lancée dans l’acquisition d’ouvrages consacrés à ce continent.
Le grand public découvre l’Afrique en partie grâce au cinéma. En 1965, Buwana Toshi no uta [la Chanson de Bwana Toshi] de Hani Susumu avec l’inénarrable Atsumi Kiyoshi rapporte les aventures d’un ingénieur japonais envoyé pour préparer l’implantation d’une entreprise japonaise. Tourné au Kenya peu de temps après l’indépendance de ce dernier vis-à-vis du Royaume-Uni, ce long métrage met en évidence les différences culturelles et les difficultés d’adaptation pour un Japonais qui ne possède aucune connaissance des cultures locales. Il est intéressant de noter que le même réalisateur, figure importante de la Nouvelle vague japonaise, a réalisé, quinze ans plus tard, un autre film consacré à l’Afrique. Afurika monogatari [Une Histoire africaine] met davantage l’accent sur la nature que sur les populations et illustre ainsi une certaine normalisation des rapports entre les deux entités géographiques. Sans être devenus des spécialistes du continent, les Japonais en savent davantage et les Africains ont découvert les produits made in Japan, en particulier les automobiles meilleur marché et tout aussi robustes que les Peugeot très populaires là-bas.
Globalement, l’intérêt pour l’Afrique se concentre pendant de longues années dans les zones orientales et méridionales du continent pour des raisons pratiques et linguistiques. L’anglais est la langue dominante et les Japonais se sentent plus à l’aise dans ces pays qui ont été sous influence britannique. Ils vont progressivement évoluer au cours des années 1990 quand le gouvernement estimera qu’il est indispensable d’aider davantage l’ensemble des pays africains afin de gagner leur soutien au sein des organisations internationales. Avec la fin de la guerre froide, Tôkyô a besoin d’une reconnaissance mondiale et les votes des Etats africains dans les instances internationales sont parfois décisifs. En 1993, le Japon inaugure la Conférence internationale de Tôkyô pour le développement de l’Afrique plus connue sous son acronyme TICAD. Il s’agit d’améliorer l’image du pays auprès des Africains en coordonnant l’aide au développement qui leur est destinée. L’enjeu est d’importance, car, à peu près à la même période, la Chine manifeste aussi son intérêt pour l’Afrique et ses richesses. Déjà en concurrence en Asie, les deux pays vont commencer à se livrer à distance une guerre d’influence en Afrique.