Installé depuis 28 ans dans l’archipel, Nanayew Sanul Aning évoque comment il est devenu citoyen de son pays d’accueil.
Dans le quartier huppé d’Akasaka, Pop me reçoit en s’inclinant, meishi (carte de visite) tendue avec les deux mains dans la plus pure tradition japonaise. “Yoroshiku onegaishimasu!” dit ce Ghanéen de 1,92 m dans un japonais parfait. Sur le mur de son minuscule bureau, on peut voir des affiches publicitaires de lui posant en homme d’affaires pour la banque Seven, un service de transfert international de Seven Eleven, la plus grosse chaîne de supérettes au Japon. De son vrai nom, Nanayew Sanul Aning, Pop est arrivé de sa région natale d’Accra en 1990. De vendeur à la sauvette, il est passé vedette de la télévision japonaise, a joué comme acteur dans le film Godzilla, chanté l’hymne national ghanéen lors du match Ghana-Japon à Yokohama, avant de créer sa propre société de managing. Parcours fulgurant du “roi du chocolat”.
Comment était votre vie au Ghana ?
Nanayew Sanul Aning : A l’époque où je suis né, en 1969, Accra était une petite ville. Mon père était professeur de musique et conférencier en études africaines. Il était marié à trois femmes et nous étions onze frères et sœurs. Comme cela se fait souvent chez nous, c’est ma grande sœur qui m’a pris chez elle à l’âge de 9 ans et m’a éduqué. A 15 ans, j’étais déjà très débrouillard. Je gérais son restaurant et je rencontrais beaucoup de monde, des expatriés qui m’aimaient bien. Ensuite, le restaurant a fermé et je suis devenu vendeur de rue. J’arpentais la ville à pied pendant des kilomètres pour vendre des vêtements, des tomates, du pétrole !
Racontez-nous votre arrivée à Tôkyô ?
N. S. A. : Ma grande sœur s’est mariée à Yano Mitsuaki, un Japonais qui travaillait à Accra. Ensuite ils sont venus s’installer à Tôkyô avec leurs trois fils qui ont formé le groupe Yano Brothers ! (voir pp. 8-9). Son mari m’a appelé pour m’inviter au Japon. J’étais très bon pour réparer l’électronique et il voulait que je vienne pour que je me perfectionne. Donc un jour de 1989, j’ai débarqué à l’aéroport de Narita. J’avais tout juste 20 ans. Et j’étais complètement perdu ! Je ne savais même pas marcher sur un tapis roulant !
Personne n’était venu vous chercher ?
N. S. A. : Ma sœur avait oublié que je venais (rires). A l’aéroport, je répétais comme un imbécile “moshi moshi” qui veut dire en akan “excusez-moi”, alors qu’en japonais ça signifie “Allo ?”. A l’époque, personne n’avait de portable et on me prenait vraiment pour un fou ! Mais finalement j’ai été guidé par tout le monde, des gens adorables qui m’ont aidé à prendre le train, le métro, ensuite, c’est la police qui m’a trouvé un taxi et enfin je suis arrivé jusqu’à la maison de ma sœur. Mais à cette heure de la journée, il n’y avait personne ! Je mourais de faim et je suis entré dans une supérette. J’ai pris ce que je trouvais de moins bizarre, un bentô, et j’ai voulu payer en dollars ! En temps ordinaire, on n’aurait jamais accepté, mais, ce jour-là, Dieu était avec moi ! Ils m’ont donné mon bentô. Je me rappellerai toute ma vie de cette arrivée au Japon.
Vous avez commencé à travailler tout de suite ?
N. S. A. : J’ai d’abord pris des cours de langue japonaise à l’université de Waseda pendant deux ans. Je portais une veste rembourrée qui ressemblait à du pop corn, ce qui m’a valu le surnom de Pop. Ensuite, j’ai commencé à travailler comme serveur dans un karaoké dans le quartier d’Ueno. J’adorais chanter ! Un collègue m’a dit qu’on cherchait des étrangers pour chanter à la télé. J’ai passé une audition à Fuji TV en interprétant une chanson traditionnelle japonaise (enka) très connue, Yosaku de Kitajima Saburô. Et j’ai gagné le grand prix du meilleur chanteur étranger en langue japonaise ! Tout de suite, après cela, j’ai commencé une carrière dans le showbusiness.