Cette forme théâtrale destinée à plaire aux dieux est particulièrement bien implantée dans cette région encore très rurale.
Lorsque vous grimpez les marches éclairées à la lanterne du Waseda-jinja, un petit sanctuaire à la périphérie de Hiroshima, une odeur de nourriture emplit vos narines. Calamars grillés, poulet frit ou encore taiyaki, ces beignets en forme de poisson fourrés de crème vous attendent avant que le spectacle ne commence.
Des gens de toute âge se rassemblent déjà autour de la petite scène extérieure implantée à côté du sanctuaire. Un groupe d’hommes plus âgés bavarde bruyamment tandis que, dans un stand à proximité, leurs petits-enfants essaient d’attraper des poissons rouges. Des collégiennes regardent leurs smartphones et gloussent.
Pendant ce temps, la lune se lève sur les montagnes, et on peut distinguer les silhouettes des pins sur la crête. Le vent souffle à travers les bambous. Comme dans une version plus joyeuse d’une histoire signée H. P. Lovecraft, vous sentez la présence des kami (dieux) tapis dans l’obscurité primitive de cette nuit d’automne, juste au-delà des lumières rassurantes du sanctuaire. Le voile entre notre monde et le royaume des kami semble soudainement très mince. Pour ce soir, nous sommes réunis ici pour une représentation de Kagura, un spectacle de danse et de musique qui déchire ce voile depuis mille ans.
Kagura signifie littéralement le lieu de la divinité. Ses origines exactes sont incertaines, mais on pense qu’il remonte au moins à l’ère Heian (794-1185). Mais beaucoup disent qu’il trouve ses origines dans les débuts mythiques du Japon lui-même, au moment clé où “la déesse du soleil Amaterasu s’est enfermée dans une caverne et a refusé de sortir. La déesse de la joie et du divertissement Ame-no-Uzume a alors dansé devant la grotte pour la faire sortir. Cette danse est considérée comme l’origine du Kagura”, explique Masuda Keiji de l’Institut culturel du Kagura de Hiroshima.