Pour ce qui est de la musique, n’avez-vous pas pensé à devenir professionnel à ce moment-là ?
U. N. : Il y avait un groupe à mon université, les Street Sliders. Il suffisait de les voir jouer une fois pour avoir l’impression qu’ils allaient percer dans le monde de la musique. Mais une fois encore, j’avais l’impression que comparé à eux je ne valais pas grand chose.
Finalement, malgré vos doutes, vous avez fini par devenir dessinateur. Votre approche de la création de mangas a-t-elle évolué après être passé professionnel ?
U. N. : Pas du tout. J’ai continué à faire les choses comme avant, et les premiers éditeurs qui ont travaillé avec moi ont confirmé ce que j’avais toujours pensé de moi, à savoir que j’étais un artiste mineur, un amateur. Vous savez, j’ai toujours pensé que mes mangas n’étaient pas le genre d’histoires que vous trouvez normalement dans les hebdomadaires. Je suppose que c’était normal, compte tenu de mes sources d’inspiration. Quand j’avais environ huit ans, par exemple, j’adorais les films français comme Le Salaire de la peur ou Le Trou. En d’autres termes, pas le genre de contenu qu’un enfant japonais aime habituellement. Compte tenu de ces influences, je n’ai jamais eu le grand espoir de devenir un artiste majeur et populaire. D’un autre côté, je pensais que mes histoires étaient intéressantes, et si je trouvais un bon moyen de les exprimer, je pourrais alors peut-être les publier un jour.
Comment est-ce arrivé ?
U. N. : Un an après avoir remporté un prix de “jeune espoir”, j’ai rencontré l’éditeur Nagasaki Takahashi, aujourd’hui devenu producteur indépendant de mangas. C’était la rencontre de deux esprits un peu excentriques. Un jour, par exemple, il m’a demandé si j’avais quelque chose à lui montrer. J’avais cette histoire d’un gars qui se réveille un matin et se retrouve transformé en Ultraman, puis après trois minutes, il meurt. “C’est une belle histoire !” m’a-t-il dit. (rires) Quand on y pense, seul quelqu’un d’un peu bizarre peut aimer une si mauvaise idée de transformer La Métamorphose de Kafka en Ultraman. Mais il appartenait à ce genre de personne, et depuis, nous avons continué à travailler sur un certain nombre de projets.
Je suppose qu’après, votre travail est devenu moins stressant ?
U. N. : Pas vraiment, malheureusement. Faire des mangas reste un travail très stressant. Surtout au Japon, le cycle de publication hebdomadaire est si rapide que vous ne pouvez jamais vous détendre. Un mangaka doit toujours se concentrer sur son travail au détriment de tout le reste dans la mesure où il sait à quel point les lecteurs, chaque semaine, attendent une nouvelle histoire. J’espère seulement que les lecteurs ne considèrent pas le manga uniquement comme une sorte de produit jetable. Ils devraient chérir ces magazines comme des produits culturels de grande valeur. Je suis vraiment triste quand je trouve mes mangas dans une poubelle.
De combien d’assistants disposez-vous actuellement ?
U. N. : J’ai toujours eu quatre assistants. Le plus jeune travaille avec moi depuis 18 ans.