Un autre problème du Japon est le déclin démographique. En 2016, le pays a perdu 300 000 habitants. Quels remèdes proposez-vous ?
E. Y. : Pour lutter contre cette tendance, la seule solution est de mettre en place un système pour encourager les jeunes couples à faire des enfants. Il faut construire plus de crèches et augmenter le salaire des éducateurs. Ensuite, il faut faire en sorte que les femmes ayant des enfants puissent travailler plus facilement. Je ne vois pas d’autres mesures que celles-ci.
Beaucoup de personnes plaident en faveur de l’immigration pour enrayer la baisse démographique. Qu’en pensez-vous ?
E. Y. : La question est de savoir si la société japonaise est prête à accueillir des immigrés d’une manière digne. Je ne pense pas qu’elle le soit. Je crains en effet que, si l’on ouvre la porte à un grand nombre d’étrangers non-qualifiés, cela provoque des réactions xénophobes. Il existe déjà des nationalistes qui répandent des discours haineux à l’égard des étrangers… La société japonaise n’est pas encore prête.
Quel est votre constat sur le plan économique ?
E. Y. : Les exportations n’ont presque pas baissé depuis l’époque de la bulle. Ce qui a chuté, c’est la consommation des ménages. C’est ce qui explique la stagnation. Il faut chercher l’explication de cette baisse dans l’élargissement des inégalités sociales et l’assouplissement des conditions de travail. C’est une chose évidente qui se manifeste très clairement au niveau des statistiques, mais personne n’en parle. Il n’y a donc pas d’autres solutions que défavoriser la consommation, et pour cela, l’important est de s’attaquer aux inégalités.
Pourtant le cumul des bénéfices des entreprises japonaises a atteint un niveau record en 2016…
E. Y. : Effectivement, le système fiscal actuel est trop favorable aux grandes entreprises. Certains disent qu’il faut leur faire des cadeaux fiscaux car elles font face à une concurrence internationale de plus en plus rude. Mais c’est un pur mensonge ! L’impôt sur les sociétés concerne uniquement le bénéfice des entreprises, et il n’a donc rien à voir avec les charges que la concurrence fait peser sur elles. Idem pour les investissements qui ne sont tout simplement pas taxés dans ce cadre ! La tendance mondiale est de baisser l’impôt sur les sociétés, mais je ne vois pas l’intérêt à la suivre. Les entreprises qui partent à l’étranger à la recherche d’un environnement fiscal plus favorable partiront quel que soit le taux d’imposition.
Sur le plan politique, le gouvernement semble en mesure de relancer la réforme constitutionnelle. Quelle est votre position sur le sujet ?
E. Y. : Je n’y suis pas opposé. Mais ce que le Premier ministre entend faire est dans le prolongement de sa politique en faveur de l’autodéfense collective. S’il inscrit aussi officiellement les Forces d’autodéfense dans la Constitution, cela pourrait donner lieu à de nombreuses interprétations du texte comme il est tenté de le faire depuis quelques années. En plus, le débat politique sur la constitutionnalité des Forces d’autodéfense est clos depuis longtemps et elles n’ont pas été remises en question depuis longtemps ! Nous n’avons donc aucun intérêt à réformer la Constitution en ce sens et nous sommes prêts à nous battre jusqu’au bout.
Que pensez-vous du droit à l’autodéfense collective ?
E. Y. : J’y suis opposé parce qu’une politique de défense doit être la plus claire possible. Les limites de l’autodéfense individuelle, selon laquelle on ne réagit militairement qu’en cas d’attaque directe contre le territoire japonais par une force étrangère, sont beaucoup plus nettes que les principes d’autodéfense collective. Ce que veut faire le Premier ministre est sujet à des interprétations floues, et on ne sait pas jusqu’où il sera tenté de l’élargir. L’auto-défense collective n’est ni logique ni cohérente avec notre histoire.
Dans votre programme, vous plaidez en faveur d’une alliance nippo-américaine “plus juste”. Pourriez-vous développer ?
E. Y. : L’alliance avec les Etats-Unis est la plus importante pour le Japon. Pourtant, l’attitude du gouvernement japonais à l’égard de Washington a jusqu’ici été très servile et cela s’est aggravé sous les gouvernements Abe. C’est comme si l’on dépendait complètement des Etats-Unis pour notre sécurité. Certes, le Japon est sous la protection américaine, mais, en même temps, il ne faut pas oublier que notre pays autorise en contrepartie la présence des bases militaires américaines sur son sol. Cela n’a donc pas de sens de se montrer servile et nous devons avoir une relation d’égal à égal avec Washington.