Une cinéaste du même âge, Mishima Yukiko, a réalisé, l’an dernier, Osanago warera ni umare (Dear Etranger). Son nom ressemble à celui de Mishima Yukio. Si son style n’a rien à voir avec celui du fameux écrivain, son exigence, en revanche, est très proche de lui. A l’instar de mon film Tomogui (The Backwater, 2013), son long métrage est basé sur un scénario écrit, il y a 20 ans, par Arai Haruhiko, une des plumes représentatives du Japon moderne. Sa réalisation a pris du temps, mais on peut y apprécier l’extraordinaire performance d’Asano Tadanobu, l’un des meilleurs acteurs du moment. Les autres acteurs sont également épatants. Aujourd’hui, il est rare de rencontrer une mise en scène aussi généreuse. La réalisatrice établit une relation sincère à l’égard non seulement d’Asano, mais aussi de tous les autres acteurs. C’est ce type de rapport humain profond qu’elle entretient avec les acteurs qui est en mesure de sauver le cinéma japonais aujourd’hui. Son expérience y contribue grandement et on le perçoit bien à l’écran.
Il va sans dire que le cinéma exige de grosses sommes d’argent, et que pour être rentable, il faut des spectateurs. Mais qui sont ces spectateurs ? Qui est en mesure de définir leur profil ? Personne. Aussi il ne reste plus qu’à faire des paris. Mais le temps où l’on sortait un film en salle pour calculer dès la semaine suivante sa rentabilité est révolu. Pourtant, c’est en persistant à projeter des films sans relâche que le cinéma a une chance de renaître. Si l’on ne prend pas cette réalité au sérieux, il est à craindre que le cinéma japonais avance vers sa fin.
Aoyama Shinji*
*Né en 1964, on lui doit notamment Eureka (Yuriika, 2000), Desert Moon (Tsuki no sabaku, 2001), tous deux sélectionnés à Cannes, ou encore Tomogui (The Backwater, 2013).