Très marqué par le cinéaste américain, Hamaguchi Ryûsuke s’impose comme l’étoile montante du 7e Art nippon.
En l’espace de quelques années et une filmographie relativement courte, le jeune cinéaste a créé un univers particulier dans lequel se retrouve le public.
Est-ce que le cinéma vous a toujours intéressé ?
Hamaguchi Ryûsuke : Je me souviens de la première fois que j’ai vu Retour vers le futur (Back to the Future, 1985). J’étais à l’école primaire et j’avais trouvé ça tellement cool. Quand je suis entré à l’université de Tôkyô, j’ai rejoint le club d’études cinématographiques et j’ai commencé à réaliser des courts métrages. Puis, un jour, vers l’âge de 20 ans, je suis allé assister à une rétrospective de John Cassavetes à Shibuya. Ses œuvres m’ont laissé une telle impression que mon engagement à l’égard de la réalisation de films a pris un tour très sérieux. Plus je voyais de films, plus je sentais que je voulais raconter mes propres histoires.
Avez-vous commencé à travailler dans le cinéma après l’obtention de votre diplôme ?
H. R. : Après l’université, je suis devenu assistant réalisateur, mais je sentais que je n’étais pas encore prêt. Les écoles vous enseignent beaucoup de théorie, mais rien ne vous prépare vraiment à travailler sur un projet concret. J’étais souvent critiqué parce que je ne savais pas comment m’y prendre. Alors quand j’ai appris que l’Université des Arts de Tôkyô (Geidai) avait ouvert une école de cinéma et des nouveaux médias, je me suis inscrit. Mon professeur était Kurosawa Kiyoshi. Celui-ci a eu une grande influence sur mon approche du cinéma.
En parlant de réalisation, l’un de vos premiers films, Passion (2008), illustre déjà votre approche qui met l’accent sur les dialogues, la façon dont les personnages bougent leurs corps, et une étude détaillée des rapports humains. J’aimerais savoir comment vous avez développé ce style.
H. R. : Comme je le disais, étudiant, j’étais tombé amoureux de Cassavetes. Le problème était que je ne pouvais pas faire quelque chose, même de loin, comparable à ce grand auteur. Par conséquent, au début de ma vingtaine, j’ai principalement essayé d’imiter les films classiques que j’avais vus. Je manquais de talent et d’argent, alors j’ai construit mes histoires sur des dialogues, laissant l’intrigue se développer lentement à partir de ces scènes, tout en mettant l’accent sur le mouvement et le placement de la caméra. Cependant, j’ai trouvé cette approche insatisfaisante. J’avais l’impression de brider l’énergie que les acteurs pouvaient apporter à l’histoire. A Geidai, j’ai commencé à changer de style, en permettant aux acteurs de se déplacer librement sur le plateau pendant le tournage. C’est cette approche que j’ai utilisée dans Passion, en suivant les acteurs avec la caméra pendant qu’ils se déplaçaient. Bien sûr, le recours à des acteurs professionnels ayant plus d’expérience et de compétences m’a beaucoup aidé.