Refusant de vivre enfermé dans un bureau, ce jeune entrepreneur a choisi la voie du recyclage.
Si le séisme de 2011 a été si brutal et si destructif, il a aussi été l’occasion de se rendre compte que la population restait attachée à beaucoup de ses objets quotidiens. En août 2015, Yamauchi Takeshi a ouvert une boutique de recyclage dans le quartier de Tatemachi, à Ishinomaki, pour redonner une nouvelle valeur aux ustensiles et meubles usagers. “C’est comme pour la ville, il faut puiser dans les ressources existantes”, nous dit-il en travaillant dans son atelier du centre-ville. Originaire du quartier d’Izumi, et ayant grandi dans celui de Wakabayashi, ce fils unique dont les parents travaillaient tous les deux, n’a pas vu le temps passer en bricolant des choses à sa portée. Après des études d’architecture au lycée professionnel d’Ishinomaki, il a été embauché par une grande entreprise de construction de maisons.
“Je vais enfin pouvoir devenir créatif”, s’était-il dit en commençant à travailler. Mais son élan n’a pas pu se concrétiser car, pour son premier poste, il a été envoyé, à Sapporo, où il était cantonné à un travail de bureau. Dans sa vie de célibataire, sa passion première et débordante pour le bricolage était centrée sur la création de meubles. Lorsqu’il a été muté à Tôkyô, il a envisagé de changer d’emploi et a commencé à suivre des cours de conception d’espace. Au lieu de démissionner tout de suite, “comme il y avait un concours national d’architecture qui pourrait être avantageux pour l’avenir”, il a attendu d’obtenir son diplôme pour quitter son emploi. “Je tenais à maîtriser l’ensemble du processus allant de la conception à la réalisation, ce qui m’a conduit à la fabrication de meubles”, explique-t-il aujourd’hui. Au lendemain du séisme, il a pensé suivre des cours de fabrication de meubles en bois dans une école spécialisée d’Ishinomaki. Après avoir trouvé un appartement, il a donc présenté sa démission, mais son supérieur lui a dit : “Ne voulez-vous pas reconsidérer la chose ?” Ses parents, quant à eux, n’ont pas été plus encourageants. “Tu sais, tu fais une grosse bêtise”, lui ont-ils lancé. Mais sa décision était prise. “C’était la création avant tout”. Il était déterminé à faire que ce qu’il voulait.
Mais son père, propriétaire d’une supérette, ayant été hospitalisé juste avant le début des cours, il a dû finalement y renoncer. Au terme de trois mois de travail en intérim dans la supérette, son père a finalement repris son poste. Le bail de son appartement à Ishinomaki n’était pas encore arrivé à son terme, mais l’avenir restait incertain. Grâce à un de ses collègues de travail qui avait un ami à Ishinomaki, l’occasion lui a été donnée de tisser des liens. Inscrit dans une association communautaire de la ville, il a participé à différentes activités en installant des logements précaires pour les victimes, avant de finalement créer, en août 2015, l’atelier Up Cycle Products (UCP). Comme son nom l’indique, l’UCP a pour vocation de redonner vie à de vieux objets. “Je n’ai rien contre ce qui est neuf, mais c’est aussi important de savoir apprécier des choses sur le long terme et cela nous permet d’enrichir notre intérieur. La valeur est aussi inscrite dans le temps”, confie-t-il. En janvier 2017, il a rebaptisé son atelier en Geppi Kôsaku-sha dans l’espoir que “ces objets puissent accompagner les gens plus longtemps.”
Certes, il n’avait pas encore beaucoup de liens avec Ishinomaki, mais c’est ici qu’il a débuté ses activités. “A Ishinomaki, une fois que vous vous liez avec quelqu’un, le cercle d’amis s’agrandit tout de suite. Je suis ravi d’avoir pu débuter ici”, raconte-t-il. Son attachement est sans faille. “Je voudrais que mon travail de création me rapproche encore davantage des gens et j’ai aussi l’intention de créer un atelier commun où tout le monde pourra travailler ensemble”, lance-t-il comme un pas vers la reconstruction de la ville.
Ohmi Shun, Hirai Michiko