Car, si bucolique qu’elle soit devenue aujourd’hui, au VIIIe siècle, Katsuragahama fut le théâtre d’un important trafic maritime. C’est d’ici que les envoyés japonais furent envoyés à Shiragi en Corée en 736. Cet événement permit à Kurahashi d’être mentionnée une seconde fois dans le Man’yôshû. C’est aussi la raison pour laquelle, en 1944, le gouvernement préfectoral de Hiroshima l’a désignée comme site d’intérêt historique.
Histoire mise à part, la vue seule vaut le détour avec ces montagnes densément boisées qui descendent vers la mer à chaque extrémité de Katsuragahama et qui confinent la plage dans une baie intime en demi-lune. Dans les eaux rêveuses de la mer Intérieure, les innombrables îles des préfectures d’Ehime, de Hiroshima et de Yamaguchi vont et viennent dans la brume changeante comme une flottille de galions fantômes. Si vous venez en milieu de semaine, il est facile de se faire une place à l’ombre sous les pins au milieu des stridulations des cigales.
Kurahashi ne construit plus de navires, mais ses liens solides avec la mer perdurent. Au bout de la plage, vous trouverez le musée d’histoire de la construction navale de Nagato. Devant, on y a installé une réplique grandeur nature du bateau utilisé pour transporter les envoyés Japonais en Chine pendant la dynastie Tang (618-907). Il ressemble à un palais flottant, avec ses mâts orange vif et son design saisissant.
Un autre clin d’œil au patrimoine maritime de l’île se trouve le long de la route derrière la plage. Là, trois bateaux décorés sont amarrés dans un petit hangar à bateaux en bois. Dans la soirée du 17 juillet, ces trois bateaux prennent la mer pour le festival de Kangensai à Miyajima, pour remorquer le Goza-bune, le bateau sacré éclairé sur lequel des musiciens jouent de la musique de cour, Gagaku. Ce festival datant de l’ère Heian (794-1185) est l’une des célébrations les plus importantes de Miyajima.
Tout en vous relaxant sur la plage, vous remarquerez probablement au loin le pont de Kashima, qui brille au soleil, à la pointe sud de l’île. Si, comme moi, vous trouvez les ponts maritimes japonais irrésistibles, alors faites-y un détour avant de quitter Kurahashi. Vous y croiserez peu de voitures, mais il faut tout de même conduire prudemment, car les anciens du village ont l’habitude de traîner leurs chaises sur la route pour bavarder le soir sous une légère brise.
Au crépuscule, les lumières du pont désert de Kashima miroitent sur l’eau comme des feux d’artifice dans la nuit. De l’autre côté du pont se trouve la petite île de Kashima. Vous pourrez peut-être y rencontrer un ou deux jeunes pêchant sur la jetée en béton, mais autrement le village semble vide. Le seul bruit est le grincement doux des bouées d’amarrage en polystyrène qui frottent contre les coques de bois des bateaux de pêche, entassés dans le petit port.
Après, vous pourrez raconter à votre retour ce que c’est que de visiter un pays aussi surpeuplé.
Steve John Powell
Pour S’y rendre
Au départ de la gare de tôkyô, empruntez le shinkansen jusqu’à Hiroshima. De là, la ligne Kure jusqu’à la gare de Kure (une trentaine de minutes). Les bus de la ligne Kure-Kurahashi se trouvent devant la gare, plate-forme 3. Descendez à Katsuragahama-Onsen-kan.