Comment vous est venue l’idée de créer ce manga ?
C. M.-D. : Après avoir voyagé à Tôkyô, je voulais raconter une histoire qui se passe dans le Japon du XIXe siècle pour parler à ma génération, et de manière plus large à tous ceux qui aiment le Japon, que ce soit du manga ou du raffinement de la culture japonaise. D’ailleurs, mon lectorat est âgé de 5 ans à 95 ans.
Je voulais faire une bande dessinée en estampes. Je voyais des similitudes entre Akira et certains dessins de Hokusai ou bien Hergé et des paysages de Hiroshige. L’ukiyo-e possède tous les germes de la bande dessinée en elle, que ce soit les cases, les cartouches, les phylactères. Tout existait déjà. Sauf peut-être la narration, comme on l’entend dans la bande dessinée. Je voulais créer un livre qui se lise comme un manga, mais qui procure la sensation de parcourir un recueil d’estampes.
Quels sont les artistes japonais dont vous vous êtes inspiré pour ce manga ?
C. M.-D. : Harunobu est pour moi celui qui dessine le mieux les beautés japonaises. Tous mes personnages sont basés sur son graphisme que je trouve être la plus belle des lignes claires. Pour les paysages, je me suis beaucoup inspiré d’Hiroshige. J’ai tenté de respecter au maximum le trait et les compositions de ces artistes. Je ne réinterprète pas ou je n’ajoute pas de touches personnelles, pour qu’on retrouve ce style trop rare et tellement beau, lequel est aussi bien plus moderne qu’on ne le pense.
Je regarde énormément d’estampes, de façon quotidienne. Pour le second tome, je m’inspire de Hokusai qui est un des maîtres absolus du dessin. Sinon Kuniyoshi, pour tout le fantastique et son inventivité. Et aussi Yoshitoshi, dont les dessins semblent curieusement si contemporains.
Le manga et l’anime m’inspirent énormément, comme Samurai champloo de Watanabe Shin’ichirô ou Le Samouraï bambou de Matsumoto Taiyô. Les films Le Solitaire de Michael Mann, Le Voleur de Louis Malle et Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson pour qui j’ai travaillé sur son dernier film L’Ile aux chiens (voir Zoom Japon n°79, avril 2018). Enfin, les jeux vidéo Ôkami et Muramasa : The Demon Blade.
Les lecteurs attendent la suite de ce manga, paraîtra-t-elle bientôt ?
C. M.-D. : En 2017, j’ai travaillé pour Wes Anderson sur son film L’Ile aux chiens pour lequel j’ai créé les décors de deux scènes, ainsi que les concept arts de l’ouverture du film. Ce qui m’a contraint de mettre en pause Le Voleur d’estampes. Actuellement, j’ai repris les planches du second tome et il devrait sortir vers la fin de l’année.
Ce sera un récit plus dense avec toujours de l’action, du fantastique, de la romance et un regard sur la société. Il y aura une très grosse scène d’action dans un temple japonais et plus de cauchemars oniriques et fantastiques qui avaient beaucoup plus aux lecteurs. Mon voleur sera confronté à son plus grand défi, tandis que mon héroïne se retrouvera perdue dans un cauchemar qui viendra la hanter tout au long du récit.
Vous travaillez aussi dans le domaine de l’animation, n’aimeriez-vous pas que Le Voleur d’estampes devienne un film d’animation ?
C. M.-D. : Avant d’être mangaka, j’étais réalisateur de films d’animation. J’ai réalisé le court-métrage Allons-y ! Alonzo ! un hommage à Belmondo où sa filmographie était racontée comme une bande dessinée franco-belge. Le Voleur d’estampes devrait être mon second film, et je souhaite le voir adapté en animation. Tout a été fait pour, grâce à ma technique numérique, chaque case du livre peut être animée. Je viens de collaborer avec Wes Anderson, et j’aimerais beaucoup retravailler pour une production cinématographique.
Quels sont vos projets ?
C. M.-D. : Actuellement je me concentre sur le second tome du Voleur d’estampes. Ensuite sur de nouveaux projets de mangas toujours en relation avec les estampes japonaises. Car je veux aller plus loin. J’ai des idées de livres jeunesse, de contes et de courts-métrages.
Propos recueillis par B. K.-R.