Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le saké se trouve dans ce guide riche d’un supplément d’âme.
Tout a commencé par une émotion”. C’est ainsi qu’Adrienne Natsumi Saulnier Blache et notre collaboratrice Sekiguchi Ryôko s’adressent à leurs lecteurs. Il s’agit en effet de les mettre dans l’ambiance de ce livre qui, en dépit de son titre, n’est pas qu’un simple “guide” destiné à donner des réponses sur cette boisson dont on parle tant aujourd’hui, mais que l’on ne connaît finalement pas. Bien sûr, il se veut didactique et sa première partie construite sous la forme de questions-réponses en est l’illustration. De l’étymologie du terme “saké” au polissage du riz en passant par la définition du kôji, l’élément clé dans le processus de fermentation, ou celle du moromi, la phase de fermentation principale, il ne manque rien pour comprendre comment, à partir du riz et de l’eau, on aboutit à cette boisson vis-à-vis de laquelle les Français se montrent de plus en plus curieux. Il y a même un schéma qui résume très clairement le processus de fabrication. A première vue, cela ne semble pas très compliqué, mais à la lecture de cet ouvrage on découvre que la production de nihonshu nécessite des années d’apprentissage. Rien n’est interdit à quiconque de se lancer dans sa fabrication. On apprend notamment que certains producteurs de riz de Camargue, en France, s’intéressent à la production de saké depuis que Kuheiji, l’un des plus grands brasseurs japonais, s’est lancé, en 2016, dans la réalisation d’un saké avec une variété de riz camarguais. “Mais le savoir-faire est encore à venir”, résument à juste titre les deux auteurs.
Parce que le nihonshu, c’est un art, rappellent-elles. Et l’art ne manque pas de provoquer des émotions. Après tout, les gestes des artisans du saké sont aussi précis que ceux d’un peintre ou d’un sculpteur. Ils façonnent à partir d’éléments fournis par la nature (le riz et l’eau) un produit dans lequel ils mettent beaucoup d’eux-mêmes. L’une des autres qualités de cet ouvrage est justement de donner la parole à ces artistes et d’en dresser le portrait afin de mieux saisir la personnalité des sakés qu’ils produisent. Parmi eux, Mitobe Tomonobu, tôji (maître brasseur) de la brasserie Yamagata Masamune, dans le nord-ouest de l’archipel, souligne avec force le lien qui existe entre les hommes et la nature. “Le paysage des rizières a sculpté notre pays et a dessiné notre visage; j’aimerais, grâce au saké, préserver ces siècles d’agriculture”, explique-t-il. De son côté, Aoshima Takashi, tôji expérimenté de la brasserie qui porte son nom, note avec humilité que “ce n’est pas nous qui “fabriquons” le saké; tout ce qu’on peut faire est de mettre tout son cœur et toute son attention à l’élever”.
Au fil des pages de ce guide très bien illustré, on découvre un univers insoupçonné grâce à tous ces témoignages recueillis sur le terrain. Ce travail d’enquête a aussi le mérite de fournir à nos deux auteurs des éléments pour établir une liste non exhaustive de 100 sakés. Le supplément d’âme présent dans chaque bouteille nécessite presque obligatoirement une visite dans les brasseries pour découvrir la personnalité du maître brasseur. Son rôle est crucial et on a vu des brasseries en perte de vitesse retrouver les faveurs des amateurs grâce à l’arrivée d’un tôji inspiré. Dès lors, on peut faire confiance aux choix d’Adrienne Natsumi Saulnier Blache et Sekiguchi Ryôko d’autant plus qu’elles ont par ailleurs organisé leur sélection en fonction du moment où le saké sera dégusté. De l’apéro au fromage, en passant par le dessert, chaque bouteille bénéficie d’une fiche détaillée qui permet de trouver le bon accord. Elles distinguent aussi les nihonshu qui peuvent se consommer chaud et ceux qui ne souffrent pas d’être chauffés. Les deux auteurs ont même pensé à choisir des sakés “de l’intime et de la délicatesse” à boire en amoureux. Le saké est bel et bien une affaire de cœur et d’émotion. Tout dans ce livre le rappelle et on ne peut que se féliciter que les deux jeunes femmes aient choisi de guider les lecteurs avec une telle envie. Comme le rappelait, il y a plus de 30 ans, Yamashita Yoshi, patron d’un bar traditionnel à Tôkyô, “avec cette boisson coulent les sentiments”. Le guide d’Adrienne Natsumi Saulnier Blache et Sekiguchi Ryôko nous le confirme.
Gabriel Bernard
références
Le Guide du saké en France : Apprendre, déguster, acheter, d’Adrienne Natsumi Saulnier Blache et Sekiguchi Ryôko, Keribus éditions, 19,90 €. En librairie, le 20 octobre.