Le rugby dans l’Archipel n’est pas nouveau. La Coupe du monde 2019 permettra d’ouvrir un nouveau chapitre.
Dans moins d’un an, le Japon accueillera pour la première fois de son histoire la Coupe du monde de rugby. L’événement revêt une importance considérable pour les autorités car il s’agira d’une sorte de répétition avant les Jeux olympiques de Tôkyô qui se dérouleront l’année suivante. Les conditions climatiques devraient être idéales pour les rugbymen venus des quatre coins du monde et pour les amateurs du ballon ovale, ce qui est loin d’être le cas pour la grand-messe olympique qui se tiendra au cœur de l’été dans une chaleur étouffante peu propice à la pratique sportive. Après la canicule de cette année le thermomètre ayant allégrement atteint les 40°C, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le choix de cette saison pour organiser les Jeux olympiques, rappelant que ceux de 1964 s’étaient déroulés en octobre, à peu près à la même époque que la future Coupe du monde de rugby.
L’organisation de cette compétition dans l’Archipel marque un tournant dans l’histoire de ce sport dans la mesure où le rugby y est connu depuis plus de 150 ans, même s’il n’a été pratiqué par les locaux que plus tard encore. Selon une illustration parue dans le numéro du 10 avril 1874 de l’hebdomadaire anglais The Graphic, des matchs de rugby avaient lieu à Yokohama, au sud de Tôkyô. La cité portuaire était devenue le principal lieu où les Japonais pouvaient découvrir les nouveautés venues de l’étranger. C’est là que le commodore Perry venu réclamer l’ouverture des ports nippons au commerce présenta à une foule ébahie le premier train miniature. Parmi les présents apportés par l’Américain, ce fut celui qui “impressionna le plus les Japonais”, nota, dans son journal, l’un des membres de son équipage. “Des dizaines de Japonais étaient réunis autour du circuit et ne se lassaient pas de regarder le train accomplir ses tours. Ils ne pouvaient pas réprimer leur joie chaque fois que la locomotive sifflait”. A bien observer l’image publiée dans le magazine britannique, on peut remarquer l’intérêt que le public nippon en habits traditionnels semble porter au match joué par les membres du Yokohama Foot Ball Club établi dans la ville depuis au moins 1866, selon certaines archives. Un article paru à cette date dans le Japan Times indique que “plus de 40 personnes ont manifesté le désir de soutenir le Foot Ball Club. En outre, la présence de deux ou trois individus originaires de Rugby et Winchester permet de croire que nous serons en mesure de jouer selon les règles”. La référence à la ville de Rugby, où William Web Ellis, un jour de 1823, décida de courir avec le ballon dans ses bras, montre que le Yokohama Foot Ball Club est bien une équipe pratiquant le rugby. Par ailleurs, ces deux preuves tirées de la presse remettent en cause l’histoire officielle qui veut que la pratique du ballon ovale au Japon soit le fait d’Edward Branwell Clarke et de son compère nippon Tanaka Ginnosuke qui l’ont introduit à l’université Keio en 1899, soit 25 ans après la partie rapportée par The Graphic et 33 ans après la création du Yokohama Foot Ball Club. Comme le souligne avec malice Mike Galbraith, spécialiste de la question et auteur de la première histoire du rugby au Japon en 1987, tout cela s’est passé avant même la naissance des deux héros de l’ovalie dans l’Archipel.
D’autres témoignages dans la presse locale accrédite le fait que le rugby était pratiqué régulièrement et que, par conséquent, les Japonais n’ont pas découvert le jeu à la fin du XIXe siècle, mais qu’ils ont été parmi les pionniers dans son développement. Certes la mayonnaise n’a pas pris comme pour d’autres pratiques sportives venues de l’étranger à peu près à la même époque, notamment le baseball dont le premier match a été organisé en 1873 à la Kaisei Gakkô devenue par la suite l’université de Tôkyô. La création d’un championnat professionnel en 1934 à l’initiative du patron de presse Shôriki Matsutarô a permis de changer radicalement la donne pour cette discipline qui a permis l’apparition des premières grandes stars sportives. Le rugby est resté cantonné au milieu universitaire et à celui des entreprises comme ce fut le cas du football jusqu’à sa professionnalisation au tournant des années 1990.