A l’instar d’Imada Miho, de plus en plus de femmes se sont lancées dans la production de la boisson des Dieux.
Le Japon a toujours su préserver ses traditions qui perdurent depuis des siècles, traditions qui ont également leur part d’ombre : de nombreux métiers et lieux étaient défendus aux femmes (voir Zoom Japon n°82, juillet-août 2018). Le sport national comme le sumô leur interdit encore de mettre les pieds sur le ring (à l’époque d’Edo, les femmes n’avaient même pas le droit d’assister aux luttes) ; elles ne pouvaient pas accéder à des montagnes sacrées, dont le Mont Fuji, ni participer à certaines fêtes, sans parler du théâtre kabuki joué aujourd’hui uniquement par des hommes ou le théâtre nô où les femmes n’ont fait leur apparition seulement qu’après guerre.
Si, dans le domaine de la cuisine, on commence à voir les femmes chefs apparaître timidement, rares sont ceux à avoir vu une femme officier dans un restaurant de sushi : selon la croyance populaire, les femmes ne sont pas adaptées à ce métier à cause des menstruations ou de la température plus élevées de leurs mains qui altéreraient la qualité des poissons…
Le monde du saké n’échappait pas non plus à cette coutume-superstition. On a longtemps dit que laisser pénétrer une femme dans la cave pouvait corrompre le saké. Mais dans le Japon d’aujourd’hui, des dizaines de femmes tôji (maître chai) y travaillent, dont certaines connues et appréciées pour la qualité de leur saké. Dans le milieu de la fabrication du saké, le tabou sur les femmes semble se dissiper davantage que dans les autres domaines traditionnels. À Akitsu, ville de la préfecture de Hiroshima, réputée pour la compétence de ses “Hiroshima tôji”, nous avons rencontré Imada Miho, l’une des premières femmes tôji, de la brasserie familiale Imada Shuzô Honten, fondée en 1868. La brasserie est située juste à côté de la mer Intérieure, une mer douce et nourricière. “ On dit que le paysage ressemble à celui de la Sicile”, note-t-elle. Un climat tempéré, des collines ondulantes qui bordent le contour, beaucoup d’orangers et de citronniers.