Voilà pourquoi elles se sont lancées dans la promotion du saké à travers le monde. Non seulement cela permet de trouver de nouveaux débouchés pour un produit en perte de vitesse dans l’archipel depuis plusieurs décennies, mais cela offre un nouvel instrument d’influence non négligeable. Après avoir raté le train du whisky qui n’a pas eu besoin d’un coup de pouce gouvernemental pour séduire le monde entier, il fallait rebondir. On ne pouvait rêver mieux que le nihonshu dans la mesure où il symbolise l’essence de la culture ancestrale japonaise. Quand on sait à quel point le vin constitue un instrument d’influence pour la France, on peut comprendre pourquoi le gouvernement japonais a fait du saké une de ses priorités. Cette stratégie ne se limite pas à la France, à l’heure où s’ouvre une nouvelle édition du salon du saké, mais elle vise le monde entier. Mi-septembre, l’ambassade du Japon en Inde a organisé à New Delhi pour la seconde année consécutive une dégustation de nihonshu. Comme l’explique le journaliste du Times of India présent à cet événement, celui de cette année était plus important que celui qui s’est tenu en 2017. “Sa promotion en Inde est conforme aux efforts visant à renforcer la présence du Japon dans l’esprit des Indiens”, ajoute-t-il. L’Inde est aujourd’hui l’un des alliés les plus cruciaux du Japon en Asie face aux ambitions chinoises. Il est donc essentiel d’améliorer l’image du pays et le saké est très utile dans la mesure où il “est un point d’entrée pour la compréhension de la culture japonaise”, confirme le journaliste indien. De Singapour à Melbourne, en Australie, au mois de juin à San Francisco en septembre, le monde vit désormais au rythme des salons du saké où les producteurs nippons viennent présenter leur production et apporter leur contribution à la bonne image de leur pays.
A l’instar du manga qui a vu l’émergence d’une génération d’auteurs étrangers capables de produire des œuvres inspirées par ce mode d’expression nippon comme le Français Tony Valente (voir Zoom Japon n°82, juillet-août 2018), le saké suscite des vocations en dehors des frontières de l’archipel. Ce désir d’imitation traduit à quel point la culture japonaise s’est imposée dans notre quotidien. Si l’Inde ne s’est pas encore lancée dans la production de saké, l’Europe ne manque pas d’exemples. De la Norvège où un producteur de bière local, Nogne O, a commencé en 2010 à en produire, à l’Espagne avec Kensho Sake qui existe depuis 2015, on recense un nombre croissant d’initiatives dans ce secteur. En France, Hervé Durand a créé, en 2016, Kura de Bourgogne à Vendenesse-lès-Charolles, en Saône-et-Loire. Il s’agit d’une brasserie et une fabrique de condiments japonais “selon la tradition bourguignonne”, affirme son site Internet. On peut aussi citer l’exemple de la Grande-Bretagne avec la brasserie Dojima qui s’est installée dans un manoir du XVIIIe siècle, à proximité de Cambridge (voir Zoom Japan, n°64, september 2018) ou encore celui de Kanpai, à Londres dont le mot d’ordre est “Japanese traditions, London style”. Il ne fait aucun doute désormais que le nihonshu constitue un instrument d’influence non-négligeable pour le Japon.
Odaira Namihei