Il y a une expression qui me tracasse ces derniers temps : “jiko sekinin”, littéralement responsabilité personnelle. Elle a été employée au sujet d’un reporter de guerre japonais, ex-otage en Syrie. Après plus de 3 ans de détention, il a été libéré en octobre. A son retour, ce journaliste indépendant a été, et il l’est toujours, la cible de violentes attaques. Ses compatriotes critiquent sa libération financée avec “nos” impôts dans la mesure où il s’est rendu volontairement dans des zones dangereuses en se fondant sur son jiko sekinin malgré plusieurs avertissements adressés par les autorités. Au Japon, l’opinion publique exige de plus en plus le jiko sekinin dans tous les domaines, de la santé jusqu’à la pauvreté. Cette mentalité m’intrigue, mais en même temps, je me rappelle de mon départ du Japon : j’ai dit à mes parents de ne jamais mettre en cause la France même si on me tuait dans une rue, car je m’y rendais de mon propre chef. C’est aussi pour cette même raison que je n’ai jamais fait la demande d’allocation logement avec l’idée que la France ne me doit rien, un titre de séjour me suffit. J’étais fière de mon honnêteté. Or le pays des droits de l’homme ne fonctionne pas comme ça et la responsabilité personnelle est d’une autre nature. Devant la loi française, j’ai presque droit au même système social dont bénéficie le peuple français ! Chapeau bas à l’égalité et à la fraternité ! C’est en me laissant cette occasion d’intégrer ce système que j’ai commencé à me sentir proche de ce pays, à tel point qu’aujourd’hui je râle contre les inégalités d’accès au logement. Au lieu de ressasser seule mes problèmes en me rappelant le jiko sekinin, le fait de les évoquer me permet de partager le sujet avec ceux qui connaissent la même situation et de donner une dimension plus importante au sujet. Voilà qui m’amène aujourd’hui à m’interroger sur la fameuse expression “C’est pas ma faute”, antonyme de jiko sekinin, qui n’est pas si mauvaise au final !
Koga Ritsuko