Erica, comment êtes-vous arrivée au Japon ?
Erica Ward : Après un bref séjour culturel au Japon quand j’étais lycéenne, j’ai poursuivi des études de japonais à l’Université du Massachusetts avec l’idée que j’y retournerai un jour. J’ai finalement déménagé au Japon en 2010 où j’ai travaillé dans l’enseignement de l’anglais tout en menant des activités dans le domaine des arts. J’ai passé trois ans sur la côte nord-est, puis dans la campagne d’Ôsaka avant de pouvoir m’installer à Tôkyô. J’ai finalement choisi de me consacrer à plein temps à l’art. Je suis très inspirée et influencée par le Japon, et la plupart de mes travaux actuels comportent des images japonaises dans une sorte de réalisme pop. Les différentes régions du Japon ont également eu un impact sur mon travail et maintenant que je suis à Tôkyô, je note une étrange envie de dessiner tous les détails et les lignes droites non naturelles des paysages urbains. C’est en fait un thème important de mon récit publié dans Hajime.
Comment se déroule votre vie au Japon ?
E. W. : En plus d’être une artiste plasticienne et illustratrice indépendante, je réalise des travaux d’écriture, de traduction, de bénévolat auprès d’une association de défense des chats. Je fais aussi d’autres petits boulots en fonction des opportunités, ce qui est vraiment l’un des points forts d’un style de vie indépendant. Tôkyô m’a permis d’exposer à de nombreuses reprises mes œuvres. C’est aussi un endroit incroyable pour rencontrer des gens intéressants et découvrir de nouvelles choses.
A ce propos, comment est né ToCo ?
Julia Nascimento : L’année dernière, Felipe et moi avons participé au Comic Art Tokyo et au Festival international de la bande dessinée de Tôkyô (voir Zoom Japon n°72, juillet-août 2017) et nous avons été fascinés par tous ces créateurs internationaux. Nous avons immédiatement commencé à penser à créer un groupe qui se réunirait régulièrement. Dans le même temps, Erica souhaitait créer un zine. Au début de cette année, nous avons donc contacté une poignée d’amis artistes, nous nous sommes réunis pour confronter nos idées. Nous avons convenu de travailler sur un thème commun, fixé un planning et nous nous sommes engagés à travailler avec d’autres sur un projet artistique commun, atout supplémentaire pour nous motiver à créer un nouveau travail créatif.
E. W. : J’adore dessiner depuis que je suis enfant et, avec un peu de recul, je réalise que je fais des magazines et des BD depuis que je suis jeune. Aussi travailler sur un projet comme celui-ci revient à boucler la boucle. Je dirais que notre publication est née de deux facteurs : mon espoir personnel de me lancer dans un tel projet structuré pour stimuler ma créativité et ma productivité, et le sentiment que ce serait un gâchis de ne pas travailler avec certains des artistes extraordinaires que j’ai rencontrés depuis mon arrivée à Tôkyô. En outre, un zine serait à la fois un produit fini satisfaisant et un espace suffisamment informel pour encourager l’expérimentation.
J. N. : J’avais toujours pensé que les zines devaient être politisés et engagés, voire subversifs. Mais lorsque Felipe et moi sommes arrivés à Tôkyô, nous avons découvert de nombreux zines introspectifs, informatifs, artistiques et amusants.
Parlez-moi du Tokyo Collective.
E. W. : Au moment où nous rassemblions toutes les œuvres destinées à notre premier zine, nous avons décidé de faire un pas supplémentaire et de créer un groupe. Bien que nous n’ayons qu’un seul zine à notre actif, il y avait quelque chose d’excitant dans la création d’une identité et l’idée d’autres à venir. Nous avons donc créé ToCo. Nous voulons accueillir de nouveaux membres. Nous avons eu aussi une occasion fantastique d’exposer les œuvres originales des deux magazines, ce qui nous a incités à faire encore plus.
Votre premier projet s’appelle Hajime, ce qui signifie “début, commencement” en japonais. Comment avez-vous trouvé ce titre ?
E. W. : Nous avons décidé que le thème du premier zine serait “Premières impressions de Tôkyô” à condition qu’aucun des membres du collectif initial ne soit originaire de la capitale. En définitive, Hajime a pris de l’ampleur pour inclure les contenus de sept artistes. Le numéro se compose donc de sept œuvres de quatre pages dans lesquelles les artistes expriment librement leurs sentiments sur leurs premiers jours à Tôkyô. Nous avons estimé que la notion de “commencement” collait bien à notre thème et à notre collectif en herbe.
Vos deux publications sont belles et ont bénéficié d’un gros travail en termes de production.
E. W. : Au départ, je voulais faire un zine classique bon marché, mais quand Julia m’a rejointe en tant que coproductrice, elle a suggéré de faire quelque chose de plus ambitieux. Avec l’arrivée de nouveaux contributeurs, nous avons décidé d’imprimer un plus grand nombre d’exemplaires. Nous avons donc choisi de passer chez un imprimeur.
J. N. : Le Japon est un peu en avance dans l’impression par rapport à d’autres pays. Puisque beaucoup de gens fabriquent des zines, en particulier des dôjinshi, ces recueils réalisés par des amateurs, on trouve de nombreuses imprimeries rapides et relativement bon marché, qui proposent des tarifs compétitifs si vous imprimez de nombreux exemplaires. Nous avons réalisé 300 exemplaires de Hajime et 400 de Monogatari qui compte, lui, 14 contributeurs.
Propos recueillis par Gianni Simone
Informations pratiques
Hajime et Monogatari sont imprimés en offset sur un papier épais et avec une couverture en couleur. Une copie coûte 11 $. Pour toute demande: tocotokyo@gmail.com