Témoin de cette évolution, la construction en 1916, juste à l’entrée du site, d’un petit sanctuaire shintoïste. Le Yama no kami saishi shisetsu [installation rituelle pour le Dieu de la montagne] a été installé à cet endroit pour que les mineurs prient pour la protection du site. Jusque-là, la sécurité n’était pas une priorité surtout lorsque les propriétaires de la mine disposaient de travailleurs corvéables à volonté. A écouter les guides qui ont vécu la dernière phase de l’exploitation minière locale, on comprend en effet que les mineurs sont devenus progressivement les porte-parole de la contestation ouvrière, notamment après la Seconde Guerre mondiale. Ils racontent à ceux qui s’y intéressent les grandes grèves de 1959 déclenchées après le licenciement massif décidé par la direction en raison de la récession dans le secteur charbonnier.
Ils sont intarissables comme l’est aussi Sôbu Masayoshi, vendeur d’ekiben (boîtes repas vendues dans les gares), à la gare de Hitoyoshi, ville située au sud de la préfecture de Kumamoto. A 75 ans, il est l’un des derniers à exercer cette profession et il ne rate aucun départ de train dans cette ville qui fut l’une des principales cités ferroviaires du pays. Au siècle dernier, un quart de sa population travaillait dans les chemins de fer et de nombreux vestiges rappellent le temps où Hitoyoshi était une étape incontournable. M. Sôbu, longiligne et toujours souriant, se souvient de l’époque où les puissantes locomotives à vapeur faisaient résonner leur sifflet et l’on pouvait les suivre le long de la rivière Kumagawa grâce au panache de fumée. Il retrouve l’agitation que procuraient ces machines grâce à la mise en service de la SL Hitoyoshi (www.jrkyushu.co.jp/english/train/sl.html), train touristique tiré par la loco 58654 de 1922, entre Kumamoto et Hitoyoshi. 2h30 d’un voyage inoubliable au cœur des paysages montagneux de Kumamoto en savourant le fameux ekiben Kurimeshi (riz aux marrons), spécialité vendue avec amour par l’énergique M. Sôbu.
Gabriel Bernard