Y a-t-il eu des changements importants depuis la publication de votre livre ?
S. K. : Au cours des derniers mois, il y a eu deux développements majeurs. D’une part, tous les grands groupes de supérettes ont décidé d’expérimenter des heures d’ouverture plus courtes. Selon une étude réalisée l’année dernière, 61 % des gérants de franchises déclarent ne pas avoir assez d’employés et être obligés de travailler eux-mêmes, parfois 16 à 18 heures par jour, pour pouvoir poursuivre leurs activités. Il y a quelque temps, un commerçant à Ôsaka a décidé de fermer unilatéralement son magasin la nuit, car il ne pouvait pas se permettre de le garder ouvert 24h/24. En raison de cette évolution, il se peut que moins d’étrangers travailleront dans des supérettes en raison de la réduction des horaires d’ouverture. Il y a d’autres raisons, sans rapport avec l’univers des supérettes, qui peuvent décourager les étrangers à venir travailler au Japon. Il y a d’abord l’argent nécessaire pour faire des études au Japon. Comme je l’ai dit, cela se transforme souvent en une dette trop lourde à supporter. Les étudiants qui rentrent chez eux par la suite peuvent ainsi décrire leur existence au Japon et amener beaucoup de personnes à conclure que la vie d’étudiant au Japon ne vaut pas tous ces efforts.
Enfin, et cela ne concerne pas seulement les études et le travail dans des supérettes, de nombreux ressortissants de pays asiatiques sont déjà attirés par des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail en Chine et en Corée. En Corée, en particulier, l’Etat travaille d’arrache-pied pour accueillir les immigrants. Cependant, la Corée est un petit pays qui ne peut accueillir qu’un nombre limité de ressortissants étrangers. Ce qui veut dire que le Japon a encore sa chance.
Qu’est-ce que cette enquête vous a appris ?
S. K. : Tout d’abord, j’ai appris à être plus gentil avec les personnes qui travaillent dans les supérettes. Un autre élément est lié à ce que j’ai dit plus tôt concernant les espoirs. Quand je faisais les recherches pour mon livre, je me suis surtout adressé à des personnes qui ne ressemblaient pas à des Japonais et leur demandait si je pouvais les interviewer. Ensuite, j’ai réalisé que tous ces gens “d’aspect différent” n’étaient pas des étrangers. En d’autres termes, je les jugeais en fonction de leur apparence. Je ne me considère pas comme un raciste, mais il y a des choses que nous faisons de façon inconsciente et qui sont en réalité une forme de discrimination. J’espère que les générations futures ne commettront pas la même erreur.
Propos recueillis par Gianni Simone