Né au Canada, Alex Lipson est arrivé à Tôkyô en août dernier en provenance de la préfecture de Shizuoka, où il a travaillé comme professeur d’anglais et traducteur. Sa première journée en tant que chauffeur s’est déroulée le 30 novembre, ce qui en fait le vétéran parmi les quatre. Il s’est donc porté volontaire pour expliquer le métier de chauffeur de taxi au Japon. “Il est évident que vous devez posséder un permis de conduire valide, mais il n’est pas obligatoire d’avoir été délivré au Japon”, dit-il. “Notre formation rémunérée dure généralement trois ou quatre mois. La première étape consiste à réussir l’examen portant sur la géographie de la capitale indispensable pour travailler en ville. Vous devez mémoriser les noms et les emplacements d’environ 80 routes de Tôkyô, ainsi que les intersections et les points de repère importants.”
“Ensuite, il faut obtenir un permis de conduire de type 2, indispensable pour transporter des passagers. Dernier point mais non des moindres, il y a un examen de droit. Pour être honnête, j’ai beaucoup plus appris en quelques mois chez Hinomaru qu’en quatre années d’université au Canada”, ajoute-t-il.
Contrairement à Alex Lipson, le Français Martial Millet a pris le volant d’un taxi depuis un mois à peine. “Je vivais à Yamagata, dans le nord du pays et je travaillais dans une usine, mais ma femme a décidé de venir à Tôkyô”, raconte-t-il. “Au début, j’ai bossé dans un hôtel, mais ce fut assez difficile pour moi. J’ai découvert que Hinomaru recrutait des étrangers et j’ai envoyé ma candidature”.
La géographie de Tôkyô est loin d’être simple. Elle ne ressemble pas à une grille comme c’est le cas à Kyôto ou à Manhattan. Cela reste compliqué pour Martial Millet, qui a du mal à se rappeler toutes les ruelles et les raccourcis, mais il est très heureux de son nouvel emploi. “Comme environ 80 % des chauffeurs, je fais kakujitsu kinmu, ce qui signifie que je travaille tous les deux jours”, explique-t-il. “Les autres font soit hiru kinmu (des journées de 11 heures 22 fois par mois) soit yakin (travail de nuit).”
“La plupart des gens ne travaillent théoriquement que 11 jours par mois, mais un jour de travail dure entre 19 et 21 heures. Nous nous enregistrons à 7h30 lors d’un appel nominal et nous devons revenir ici le lendemain à 16h30. Nous vérifions alors nos comptes de la journée et nous nettoyons la voiture avant de rentrer chez nous. Pendant la journée, nous devons nous reposer pendant au moins trois heures. Bien sûr, c’est un travail de conduite. Nous ne conduisons pas si nous sommes fatigués ou si nous ne nous sentons pas bien parce que c’est dangereux”, ajoute-t-il. “J’aime ce système parce que vous êtes en quelque sorte votre propre patron. Vous choisissez quand vous travaillez et quand vous voulez faire une pause.”
Le quatrième chauffeur de taxi est l’Américain Francis Karl Gurtlinger, qui a vécu de nombreuses années dans la préfecture d’Ishikawa avant de s’installer à Tôkyô après avoir lu l’offre d’emploi de Hinomaru. “Mon japonais était déjà très bon lorsque j’ai rejoint Hinomaru, car à Ishikawa, je communiquais avec les habitants tous les jours et tous mes amis étaient Japonais”, assure-t-il. “Cependant, j’ai dû apprendre de nombreux nouveaux termes liés au travail pour réussir les tests. Avoir une bonne connaissance des kanji et de la langue écrite est un point essentiel car tous les tests sont en japonais. Pour le test de permis de conduire de type 2, par exemple, vous avez 50 minutes pour répondre à 95 questions et vous devez obtenir au moins 90 points.” “Même lorsque vous êtes au travail, vous devez apprendre à utiliser le GPS en japonais, ce qui peut parfois être délicat lorsque vous épelez des noms de lieu et de bâtiment”, reconnaît-il.
Tous les chauffeurs s’accordent à dire que conduire un taxi toute la journée est une tâche ardue, mais ils prennent plaisir à rencontrer de nouvelles personnes et à découvrir de nouveaux quartiers. “Vous avez la possibilité de rencontrer des gens de toutes sortes”, confie Alex Lipson. “Et je dirais que dans 98 à 99% des cas, j’ai eu à faire à des personnes formidables. Les leçons sur l’étiquette du conducteur et les relations avec la clientèle font partie du programme, mais si vous avez de bonnes compétences en communication, vous pouvez établir de bonnes relations avec vos clients.” Il souscrit totalement à l’expression japonaise ichi-go ichi-e, selon laquelle il faut chérir chaque rencontre.