“A une époque, je rêvais de vivre à l’étranger et j’ai vraiment apprécié ma vie en Australie, où j’ai passé deux ans. Néanmoins, j’ai réalisé que j’étais plus à l’aise en vivant au Japon. En grandissant ici, tout me semblait naturel, mais quand j’habitais à l’étranger, beaucoup de gens m’interrogeaient sur la vie au Japon. En leur expliquant à quoi ressemblait ma vie ici, j’ai pris conscience à quel point j’aimais mon pays. On peut dire que je suis fière d’être Japonaise”, poursuit-elle. “Cela dit, je comprends que la vie Japonaise peut parfois être un défi. J’ai une bonne amie qui s’est installée au Canada. Elle rentre seulement environ une fois tous les cinq ans au Japon et elle se sent chaque fois plutôt mal à l’aise au Japon. Je suppose qu’elle est devenue Canadienne dans un certain sens. ”
Pour Motoki et Masako, l’avantage du programme Nagomi Visit est de permettre à leurs filles de rencontrer beaucoup d’étrangers. “Comme vous l’avez constaté, elles ne sont pas du tout timides et la petite Mako vous a déjà pris par la main pour vous montrer ses jouets”, note Masako. “C’est quelque chose que les enfants japonais ne font jamais avec des étrangers. D’abord, beaucoup de Japonais sont timides et la plupart d’entre nous n’ont jamais parlé à des étrangers. Mais grâce à Nagomi Visit, nous avons rencontré tellement d’étrangers au cours des 12 derniers mois que Miyako et Mako sont maintenant très à l’aise avec eux.”
Il est temps de préparer le dîner. Le menu du jour est composé de temaki-zushi (sushi roulé à la main) et de chikuzenni (ragoût de poulet avec carottes, bardane, pousses de bambou et champignons). “Le temaki-zushi est de loin notre plat le plus populaire”, explique Masako. “Nos invités adorent évidemment les sushis et ont ici la possibilité de fabriquer eux-mêmes des rouleaux de sushis, ce qui est très amusant. D’autre part, nous essayons d’éviter les aliments que les étrangers – surtout les Occidentaux – peuvent trouver un peu bizarres. La dernière fois que nous avons eu des invités en provenance d’Allemagne, ils ont essayé le natto [soja fermenté]. Ils ont trouvé le goût “intéressant”. A une autre occasion, des invités sont venus du Canada avec une fillette de huit ans. Elle a essayé un manjû [un petit pain cuit à la vapeur rempli de pâte de haricot rouge] en forme de fleur de cerisier, mais elle n’a pas aimé. Je lui ai alors donné des biscuits canadiens et elle a déclaré que c’était la meilleure chose qu’elle n’avait jamais eue.”
Motoki surveille attentivement ce que fait sa femme. “Il est en fait un très bon cuisinier”, sourit-elle. “C’est lui qui a la responsabilité de la cuisine la plupart des week-ends”. Il se trouve que lorsque Motoki a été muté par sa société dans la préfecture d’Ibaraki, il a d’abord vécu seul et a donc dû apprendre à cuisiner. Masako avoue qu’elle n’avait jamais cuisiné avant de se marier. “Quand je vivais avec mes parents à Nara, ma mère faisait toute la cuisine”, se souvient-elle. “Lorsque nous nous sommes mariés, j’ai utilisé Cookpad [le plus grand site de partage de recettes du Japon avec plus de 5 millions de recettes enregistrées] et des livres de cuisine pour apprendre à cuisiner. Comme je cuisine presque tous les jours et que je suis occupée par les filles, je fais des choses simples à préparer. De son côté, Motoki cuisine pour ses loisirs et aime donc essayer des plats plus compliqués. Pour moi, la cuisine est un travail. Si je n’étais pas obligée de la faire, je ne m’en occuperais pas, surtout quotidiennement.”
Enfin, nous nous asseyons tous autour de la table pour déguster la bonne nourriture préparée par Masako. Miyako et Mako ont faim et salivent à la vue du thon, du saumon et des autres poissons crus. Je demande aux Kanehira ce qui, à leur avis, rend le Japon unique. “Nous accordons beaucoup d’importance au changement des saisons”, affirme Masako. “Pour chaque saison, il existe une sorte de célébration, comme l’observation des fleurs de cerisier, la journée des filles et des garçons au printemps et o-bon [la fête des morts] en été. Chaque étape de la vie est fêtée.” “Traditionnellement, le Japon était une société rurale et le changement de saison était important dans notre vie”, confirme Motoki. “Incapables de contrôler le climat et impuissants face aux catastrophes naturelles, nous avons appris à nous tourner vers les dieux et nos ancêtres pour obtenir leur protection. C’est une coutume qui perdure au travers de nos fêtes et des festivals saisonniers [voir Zoom Japon n°52, juillet 2015].”
Après le dîner, nous jouons à un jeu de cartes que Moko adore et ensuite, Miyako dessine mon portrait sur un tableau blanc. Après une série de chansons et de danses qu’elles interprètent pour moi, je suis complètement tombé sous le charme de ces deux adorables fillettes. Arrive le moment où je dois rentrer chez moi. Je n’ai passé que quelques heures avec les Kanehira, mais je les considère déjà comme mes nouveaux amis.
J. D.
Informations pratiques
NAGOMI VIST : https://www.nagomivisit.com