De nos jours, il reste pour la plupart des habitants de Niigata l’homme politique dont ils sont le plus fiers. Et pour cause, au fil des années et des réformes du système électoral, ils ont perdu leur influence sur la vie politique. Le marché du riz, dont ils étaient les gardiens les plus farouches, s’est ouvert aux productions étrangères tandis que leurs suffrages pèsent désormais le même poids que ceux des citadins. Et comme ils sont moins nombreux que ces derniers, ils ne sont plus en mesure de défendre avec autant de vigueur leurs intérêts. Le PLD n’a plus besoin d’eux pour conserver le pouvoir depuis que les électeurs urbains déçus par l’opposition votent aussi pour le parti de l’ordre établi. Tanaka Kakuei conserve une bonne image de marque alors que son “pari” a échoué. Le pays est certes plus riche et moins pollué que dans les années 1960 et 1970, mais les déséquilibres entre les zones urbaines et rurales n’ont pas été résorbés et se sont même renforcés sous l’effet d’une démographie chancelante.
Comme le rapportait le quotidien local Niigata Nippô (voir pp.8-10) au mois de janvier dans une série d’articles joliment intitulée “300 kilomètres de contraste” (Sanbyaku kilo no kontorasuto) sur la fracture qui existe toujours entre la capitale et la région, la préfecture de Niigata subit plus qu’ailleurs les conséquences du déclin démographique. Avec 14,7 % de maisons vides, c’est-à-dire abandonnées après le décès de leurs derniers habitants, elle dépasse d’environ un point la moyenne nationale (13,6 %) et de 4 points la situation de la capitale. Le plus grave étant qu’à Niigata, la tendance est à l’accélération depuis 5 ans quand elle se stabilise au niveau national et qu’elle baisse à Tôkyô. Ce triste constat met en lumière l’échec de la politique gouvernementale en faveur d’une relance des régions et c’est évidemment bien dommage.
Pourtant, la préfecture de Niigata possède de nombreux atouts. Sa position géographique la place au cœur de l’Asie orientale, ce qui pourrait lui permettre de devenir un centre d’activité important en cas de renforcement des liens économiques dans la région. A la fin des années 1980 et début des années 1990, à l’époque où l’intégration européenne faisait rêver le monde, y compris l’Asie, une vaste initiative économique entre l’Extrême-Orient russe, le nord-est de la Chine, les deux Corée et le Japon dans sa partie donnant sur la mer du Japon avait vu le jour et suscité un grand élan d’enthousiasme dans la région de Niigata. Plusieurs projets d’investissements avaient été évoqués, des liaisons aériennes avaient été établies entre les différentes régions concernées sans oublier la publication de dizaines d’ouvrages évoquant les retombées potentielles pour la préfecture. C’est l’époque où des revendeurs de voitures d’occasion se sont installés en nombre dans le but d’exporter ces véhicules de seconde main vers la Russie toute proche où le made in Japan faisait rêver. Les difficultés politiques au niveau étatique ont compromis cette idée de zone économique autour de la mer du Japon, mais on peut imaginer, dans les années à venir, de possibles développements.
En attendant, Niigata peut encore s’appuyer sur sa richesse agricole qui reste solide en dépit du vieillissement de sa population rurale. Cela reste son point fort puisque le gouvernement japonais y a organisé, en mai 2019, la réunion des ministres de l’Agriculture du G20. Le saké, autre produit phare de la région, fait actuellement l’objet d’une vaste campagne de soutien de la part des autorités japonaises qui souhaitent le promouvoir davantage en dehors des frontières du pays. Grâce à son savoir-faire et à la qualité de sa production, Niigata peut espérer profiter des retombées de l’engouement international pour “la boisson des Dieux”. Il semble que certains ont pris conscience de l’importance de préserver les traditions en la matière comme le souligne la création, au printemps dernier, d’un groupe de recherche sur le saké à l’initiative du professeur Sawamura Akira de l’université de Niigata. Après tout, rien de plus normal puisque la préfecture abrite près de 90 brasseries de saké, le nombre le plus élevé du pays.