J’ai grandi à Mito, cité de province pas très éloignée de Tôkyô dont la gare d’Ueno était considérée comme le point d’entrée pour ceux qui venaient du nord, ma ville étant à 1 h par le train rapide. Malgré la présence de toutes les infrastructures indispensables à Mito, je rêvais toujours de “monter” à la capitale. A chaque période de mon existence – lycéenne, étudiante, puis adulte –, Tôkyô constituait un point de repère pour mon avenir. Je ne sais pas si cette envie était influencée, certainement oui, par le terme jôkyô composé de deux idéogrammes : jô signifiant “au-dessus” ou “haut”, qui est aussi synonyme de “monter”, puis kyô qui désigne “la capitale”. Si jôkyô se traduit désormais par “monter à la capitale”, il voulait dire auparavant “aller à Kyôto” à l’époque où elle abritait le Palais impérial. Dans le terme jôkyô, on retrouve ainsi la notion de haut (capitale) et de bas (province) qui est toujours valable. Chaque fois que je faisais mon jôkyô en quittant ma ville, cela représentait un défi comme si j’allais emprunter un escalier vers le sommet du pays. A la gare de Mito, sur le panneau d’affichage listant les trains à destination d’Ueno, on pouvait lire sur le côté “nobori” (montée) et pour les autres “kudari” (descente). Mais cela ne m’a absolument pas poussée à me rendre vers le nord ! Ce système de repérage s’applique toujours dans tout le pays à quelques exceptions près. Quelle que soit la position géographique des gares, au départ de Sendai ou d’Ôsaka, on dit “nobori” quand il s’agit d’aller vers Tôkyô, et c’est la même chose pour les autoroutes. Reste que l’antonyme de jôkyô est miyako-ochi, littéralement “chuter de la capitale” ou “s’exiler en province” ! Imaginez-moi qui suis “montée” à Tôkyô, mais “descendue” jusqu’ici… On dirait que ma vie est un échec total ! Il faut bannir ces expressions qui ont un goût de Moyen Âge ! Aujourd’hui, je “ne monte plus” à Tôkyô, mais je vais à Tôkyô, toujours en quête de trucs qui me montent à la tête.
Koga Ritsuko