L’architecture au Japon est réputée pour sa grande qualité et son haut niveau de finition, résultat de discussions assurant un travail d’équipe coordonné. C’est pourquoi, au cours des 30 dernières années, Tôkyô est devenue un lieu incontournable pour de nombreux amateurs d’architecture. En particulier, son centre pourrait être considéré comme un laboratoire expérimental concernant l’avenir urbain de l’humanité. Cette “ville totale” ne cesse d’évoluer et de se réinventer, avec des bâtiments et parfois des quartiers entiers qui disparaissent soudainement pour être remplacés par quelque chose de complètement différent.
Constamment remodelée par les catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme et par les règles du marché immobilier, rien n’est sacré et tout est permis. Il n’y a qu’à Tôkyô, après tout, qu’un chef-d’œuvre comme l’Hôtel impérial conçu par Frank Lloyd Wright a pu être abattu sans cérémonie, après avoir survécu à un tremblement de terre de grande ampleur et à la guerre.
Cette ville est un endroit qui suscite de fortes réactions. Il est impossible de rester indifférent : soit on l’aime, soit on la déteste. On peut dire la même chose de son apparence. A bien des égards, on pourrait dire que Tôkyô est la plus belle et la plus laide des villes du monde.
Les visiteurs, qui s’y rendent pour la première fois, risquent de subir un traumatisme visuel en découvrant une ville qui s’étend partout d’une manière apparemment chaotique. A Tôkyô, le hasard semble régner en maître. Sans rien qui ressemble à des lois d’urbanisme et de zonage, sans forme reconnaissable ou ligne d’horizon clairement définie, cette cité excelle dans les détails, et c’est un lieu où les détails l’emportent sur une vue d’ensemble. Comme certains observateurs l’ont remarqué, la seule norme acceptée réside dans la coexistence non planifiée.
Son caractère labyrinthique (la plupart des rues n’ont pas de nom et le système d’adresses a été conçu pour rendre les gens fous) est tel qu’il est facile de se perdre et, dans un sens, même souhaitable. Il est beaucoup plus amusant de se promener sans guide ou même sans son smartphone, de se perdre et de trouver de nouvelles merveilles et curiosités inattendues à chaque coin de rue (sans craindre d’être agressé ou pire), y compris des constructions remarquables ou bizarres qui n’ont rien à voir avec l’environnement où elles sont implantées. Cela vaut également pour les logements résidentiels (en particulier les maisons privées de deux ou trois étages), un domaine dans lequel les jeunes architectes en herbe ont l’occasion d’expérimenter et de mettre en pratique de nouvelles idées. Le paysage urbain de Tôkyô est remarquable par son absence presque totale de continuité architecturale.