Il y a fort à parier que vous aurez des difficultés à en dessiner une image précise. L’impression stéréotypée que les gens ont en lisant des articles et des livres ou en regardant des programmes télévisés, est un enchevêtrement de bâtiments, de signes et de couleurs sans ordre ni direction précis. Les cartes postales touristiques présentent généralement une ligne d’horizon plutôt terne (Shinjuku Ouest) ou une mer de béton armé avec un étrange pylône rouge et blanc au milieu – la Tour de Tôkyô.
De quels points de repère uniques Tôkyô peut-elle se vanter ? Prenez, par exemple, cette fameuse Tour de Tôkyô. Imaginez la Tour Eiffel, mais de forme légèrement différente. La version japonaise mesure 330 mètres de haut, soit 30 mètres de plus que la construction française. Malheureusement, elle a été peinte en blanc et rouge (en fait, techniquement, il s’agit d’un “orange international”). L’effet global est totalement différent. Les Français, toujours fiers, ont transformé cet assemblage de barres de fer en un symbole national. Les Japonais ont transformé la même quantité de fer en un pylône géant. Plus récemment, la Tour de Tôkyô a été éclipsée par le Tokyo Sky Tree, beaucoup plus haut… Un gigantesque cure-dent ! Oubliez-le.
En fin de compte, l’élément architectural le plus remarquable de la capitale japonaise est probablement le vaste réseau de routes surélevées qui se faufilent à travers les gratte-ciel et sur de longues étendues des rivières et canaux de la capitale avant de plonger sous terre et sous la baie de Tôkyô. Cet élément unique dans le paysage urbain est toujours en cours d’aménagement près de 60 ans après l’achèvement du premier tronçon en 1962. Conçu à l’origine pour relier tous les sites olympiques, il a rapidement été considéré comme un moyen pratique de résoudre l’ingérable problème des embouteillages dans le centre-ville.
Puisqu’on évoque les rivières et les canaux, rappelons que Tôkyô possédait jadis de nombreuses voies navigables le long desquelles les gens faisaient des affaires et s’amusaient. Hélas, aujourd’hui, beaucoup d’entre elles ont littéralement été éclipsées par les autoroutes. D’autres petites rivières encore ont eu encore plus de malchance, car elles ont été comblées ou transformées en ponceaux. Lorsqu’on s’intéresse à Tôkyô, il faut probablement tenir compte du bon et du mauvais, car ils sont inextricablement liés. En tout cas, quelle que soit l’opinion que vous avez de la cité, elle ne vous permet jamais de la prendre pour acquise, et c’est dans ce chaos toujours évolutif que se cache l’essentiel de son charme. Il semble qu’ici les choses puissent croître, se développer, changer et mourir selon un rythme intérieur naturel, comme un organisme vivant, dans lequel la beauté se trouve dans les petites choses facilement oubliées.
La combinaison – parfois le choc – du nouveau et de l’ancien et l’apport incessant de nouvelles influences culturelles étrangères donnent à la ville une énergie que l’on ne trouve guère ailleurs. Tôkyô reflète l’effervescence d’une culture urbaine en constante création et réinvention.
Gianni Simone