Dans un pays où existe une tradition de revues féminines et féministes – la première a été créée en 1903 – An An traduit bien l’évolution du rôle de la femme. Près de 90 ans auparavant, Hiratsuka Raichô avait écrit dans le premier numéro de la revue Seitô que “la femme était à l’origine un vrai soleil. C’était un être à part entière. Aujourd’hui, la femme est une lune. Elle dépend des autres pour vivre ; elle brille grâce à la lumière des autres ; elle est semblable au visage pâle d’un malade”. Avec la création d’An An, il apparaît clairement que les choses sont en train de changer et pour longtemps. Bref, le magazine accompagne l’épanouissement d’une Japonaise plus forte et plus indépendante des hommes.
Bien sûr, cela ne se manifeste pas immédiatement dans tous les secteurs de la vie. C’est d’abord dans le domaine des voyages qu’une prise des distances avec les conventions a commencé. Tandis que le nouveau bimensuel promeut la découverte de nouveaux univers à ses lectrices, la Japan Airlines met en service, le 1er juillet 1970, son premier Boeing 747. L’ère du Jumbo Jet et de la démocratisation du tourisme à l’étranger coïncide avec le lancement de la campagne Discover Japan (Disukabâ Japan) par la compagnie nationale des chemins de fer à l’automne de la même année. Malgré son slogan en anglais, ce programme de promotion du tourisme dans l’Archipel s’adresse avant tout au marché intérieur. Ce sont les femmes, les jeunes en particulier, qui vont répondre à cet appel. Là encore, elles font la démonstration de leur besoin de liberté. An An est encore une fois à leur côté pour les suivre sur cette voie. A l’époque, il s’agit encore d’une liberté éphémère car il existe une certaine pression sociale pour les amener à revenir dans le droit chemin, c’est-à-dire le mariage. A cette époque, les chansons à la mode ont pour titre Kekkonshiyô [Marions-nous, 1971] ou Hanayome [la Jeune mariée, 1973], mais l’on sent qu’une partie d’entre elles souhaitent s’affranchir des conventions et aller plus loin dans l’affirmation de leur indépendance notamment au niveau de l’emploi.
Dix ans après la sortie du premier numéro d’An An, un autre magazine marquera ce nouveau tournant. Il s’agit de l’hebdomadaire Torabâyu, du français “travail” lancé en février 1980. Il s’adresse à la “working woman”, désireuse de montrer qu’elle est bien plus qu’une simple consommatrice futile. La révolution continue.
Odaira Namihei