Tant sur le plan du graphisme que sur celui de son contenu éditorial, An An a bouleversé le monde de la presse.
Les magazines féminins modernes ont connu, au fil des années, de nombreuses évolutions, mais peu d’entre eux peuvent se prévaloir d’avoir connu les débuts sensationnels d’An An en mars 1970. Sa couverture arborait un mignon petit panda – la mascotte du magazine – et un mannequin étranger glamour, en l’occurrence Marita Gissy, égérie de Christian Dior, dont l’expression de surprise correspondait probablement à celle des personnes qui ont vu le magazine pour la première fois. Avec le slogan “Soyons plus à la mode”, une conception graphique époustouflante et un nouveau contenu passionnant, An An a apporté un souffle nouveau, et le monde de l’édition au Japon a été bouleversé à jamais.
2191 numéros plus tard, le magazine a célébré son 50e anniversaire lors d’une exposition à Kyôto, et Zoom Japon a pu s’entretenir avec Satô Masako, en charge de l’événement, et propriétaire de Contact, une agence spécialisée dans la planification et la production de manifestations surtout photographiques. “L’exposition a malheureusement été interrompue par la crise du coronavirus (voir Zoom Japon n°101, juin 2020), mais cela a néanmoins permis de rappeler l’extraordinaire parcours d’An An. Cinquante ans, c’est très long pour un magazine. Beaucoup de publications n’ont pas duré si longtemps, mais le succès continu d’An An est la preuve que les lectrices japonaises le trouvent toujours pertinent”, explique-t-elle.
Quand on lui a demandé de mettre sur pied une exposition, elle savait qu’il serait impossible de couvrir toute l’histoire du magazine, alors elle s’est concentrée sur ses débuts. “J’étais particulièrement intéressée par le légendaire directeur artistique Horiuchi Seiichi, dont j’ai toujours admiré le travail”, confie-t-elle. “Dans les années 1960, alors qu’il était âgé d’une trentaine d’années, il avait travaillé pour l’hebdomadaire Heibon où il s’occcupait de la mode avant de rejoindre le très populaire magazine masculin Heibon Panchi (Heibon Punch). Lorsque l’éditeur Heibon Shuppan (qui s’appelle désormais Magazine House) a décidé de lancer un magazine féminin, il a rejoint le projet et a fait partie du groupe créatif d’An An dès le début. Il a même reçu le prix ADC en 1971 pour son travail pour le magazine et a ensuite travaillé pour d’autres titres publiés par le même éditeur comme Popeye, Brutus et Olive”.
Après une expérience de quatre numéros à la fin des années 1960 avec Heibon Panchi Joseiban (Heibon Punch for girls), An An a fait ses débuts au printemps 1970 en lien étroit avec le magazine français Elle. A une époque où les stylistes japonais devaient encore se faire une place sur la scène mondiale et où les fans locaux étaient impressionnés par la mode venant de Paris et de Londres, cette collaboration a marqué un énorme coup éditorial. Le premier numéro comprenait d’ailleurs un message de l’ambassadeur de France au Japon, Louis de Guiringaud, ainsi que de nombreuses signatures de vedettes de l’époque comme Adamo, Marcel Amont ou Mireille Mathieu, et par de célèbres couturiers tels qu’André Courrèges ou Daniel Hechter. Avec son grand format, son design audacieux et ses articles captivants, An An s’est démarqué de la concurrence et est rapidement devenu le prototype d’un nouveau style de magazine féminin au Japon.
“Aujourd’hui encore, de nombreuses personnes dans le monde de l’édition considèrent An An comme une publication révolutionnaire. De nombreux photographes et illustrateurs chevronnés y ont collaboré. La photo sur la première de couverture, par exemple, a été réalisée par Tachiki Yoshihiro, et ses pages de mode ont été confiées à des personnalités comme Kaneko Isao et Hara Yumiko.